Menu
Libération
Low cost

Shein, Temu, AliExpress : la France veut taxer les petits colis à l’entrée de l’Europe

Le gouvernement veut instaurer dès 2026 des frais de gestion sur les paquets expédiés par les grandes plateformes de consommation étrangères, en vue de financer les contrôles des douanes, de la répression des fraudes et du fisc.
En 2024, 4,6 milliards de paquets de moins de 150 euros sont entrés sur le territoire européen, dont 91 % venaient de Chine. (Milous/Getty Images)
publié le 29 avril 2025 à 17h12

La fin de la récré pour Shein, Temu, AliExpress et autres plateformes de consommation low cost ? Pas moins de trois ministres – Eric Lombard, ministre de l’Economie, Amélie de Montchalin, pour les Compte publics, Véronique Louwagie, chargée du Commerce – et une secrétaire d’Etat, Clara Chappaz, à l’Intelligence artificielle et au Numérique, ont convoqué la presse ce mardi 29 avril au matin pour présenter un plan de lutte contre le flot de colis transportant des produits achetés quelques euros sur les grandes plateformes d’e-commerce, dont Shein, Temu et AliExpress, qui sont implantées en Asie.

Le rendez-vous était pris dans un entrepôt de Cargo City, cet immense dédale de bâtiments jouxtant l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle où transitent des marchandises venues du monde entier. Pour l’occasion, la douane a fait portes ouvertes avec trois stands recouverts de cartes Pokémon, de téléphones, de faux billets ou d’articles électroménagers, des produits saisis pour non-conformité, contrefaçon, défaut ou sous-déclaration de la valeur.

4,6 milliards de petits colis en 2024

Pour agir rapidement contre l’afflux de colis chinois, qui pourrait être renforcé par la hausse des droits de douane voulue par Donald Trump aux Etats-Unis et qui pourrait entraîner une réorientation des flux vers l’Europe, la France propose, dès 2026, de faire payer aux plateformes quelques centimes à quelques euros par colis entrant dans l’Union européenne, au titre de «frais de gestion». «Ce n’est pas une taxe sur le consommateur», assure Amélie de Montchalin. Cette contribution, évaluée à quelques centimes sur un article et à quelques euros pour un colis, devrait être payée par les plateformes et servirait à financer des moyens humains comme techniques pour augmenter significativement la capacité de contrôle des services douaniers, de répression des fraudes et du fisc. Le nombre de contrôles devrait tripler d’ici 2028, a ainsi annoncé Véronique Louwagie.

Ces petits colis sont très utilisés par les plateformes low-cost qui inondent le marché européen. En 2024, 4,6 milliards de paquets de moins de 150 euros sont entrés sur le territoire européen, dont 91 % venaient de Chine. Leur nombre a doublé entre 2020 et 2022, puis encore entre 2022 et 2024, d’après la Commission européenne. En France, 1,5 milliard de colis ont été livrés en 2024, dont 800 millions échappant à ces frais de gestion, d’après les chiffres du ministère de l’Economie. Avec un impact sur le commerce en ligne et physique français. Ainsi, toujours selon Bercy, le chiffre d’affaires de Shein serait équivalent à celui de Kiabi en France, mais sans posséder aucun magasin physique contre 350 pour Kiabi.

«Nous ne pouvons agir seuls»

Sur internet, Shein et Temu figurent parmi les dix sites d’e-commerce les plus visités en France. Et si on y ajoute le mastodonte Amazon, les trois entreprises représentent 25 % des achats de mode en ligne en France. La valeur moyenne d’un article acheté est d’environ 8 euros. Le secteur de la mode n’est pas le seul concerné. En recul de 5,1 % en valeur et 7 % en volume en 2024, le marché de l’ameublement connaît une dynamique similaire. L’année dernière, les produits d’ameublement importés de Chine ont augmenté de 22 % en volume et de 11 % en valeur.

Mais la France ne peut décider toute seule de défier les géants du commerce en ligne. «Nous gardons à l’esprit que nous faisons parti d’une union douanière, nous ne pouvons agir seuls, parce que si nous agissons seuls, les flux iront dans un autre pays», a précisé Eric Lombard. A l’occasion d’une prochaine réforme douanière prévue en 2028, «la France propose d’abaisser le seuil d’exonération [de droits de douane] de 150 euros à 0 euro», a ainsi déclaré Amélie de Montchalin. En attendant, le gouvernement veut réunir un groupe de pays européens pour imposer «dès 2026 des frais de gestion forfaitaires».

Pour rappel, Shein, le géant de l’habillement chinois, fait l’objet d’une enquête ouverte en 2022 par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Sur l’avancée de la procédure, Bercy répond que l’enquête, encore en cours, est «d’ampleur et nécessite un temps de traitement». Dans un communiqué repris par l’AFP, le spécialiste des vêtements à (très) bas prix a répondu qu’il «respecte l’ensemble des lois, réglementations et obligations fiscales en vigueur dans chacun des marchés où nous opérons, y compris en France». Et rétorqué : «Le succès de notre entreprise repose sur notre modèle unique de production à la demande, et non sur des exonérations de droits de douane.»