Il est de ces secteurs économiques pour qui la période de confinement a été bénéfique. La contrefaçon est un de ceux-là. Depuis le début de la crise sanitaire, sur toutes les plateformes de vente en ligne, pullulent les annonces frauduleuses. Une enquête de l’Union des fabricants (Unifab), qui regroupe entreprises et fédérations professionnelles engagées dans la lutte contre la contrefaçon, révèle qu’au cours des onze derniers mois, 27 millions de réclames illicites ont été retirées des sites internet.
8 milliards d’euros perdus chaque année en France
Le bond de l’e-commerce pendant la pandémie n’est pas étranger à cet essor. Si bien qu’en à peine trois mois, entre juillet et octobre 2021, près de dix millions d’annonces en ligne ont été supprimées par un échantillon de 26 entreprises, souligne l’Unifab. Selon les estimations, le marché de la contrefaçon fait perdre, chaque année, près de huit milliards d’euros à l’économie française et presque 40 000 emplois. «Des chiffres impressionnants, mais qui ne sont qu’un minimum, tant nombre d’annonces passent entre les mailles du filet», précise Sara Bystrom, avocate en propriété intellectuelle.
En 2020, d’après les chiffres des douanes, quelque 5,6 millions de produits contrefaits ont été saisis par la douane, parmi lesquels 798 000 vêtements, chaussures et accessoires contrefaits, 473 000 jeux et jouets, 172 000 équipements électroniques et 128 000 médicaments. Tous les pans de l’économie sont concernés. L’horlogerie, la parfumerie ou l’alcool sont également touchés. «Personne n’est à l’abri, car les petits prix font des heureux parmi les consommateurs, témoigne Catherine Heng Huynh, avocate spécialiste de la lutte anti-contrefaçon, un temps juriste pour l’entreprise Pernot Ricard. Même le vin fait l’objet de falsifications.» De plus en plus sophistiqué, le marché de la contrefaçon est très lucratif, plus encore que le trafic de stupéfiants, tout en étant moins risqué.
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Selon un rapport de la Cour des comptes, le commerce électronique joue un rôle majeur dans le développement de la contrefaçon. En 2019, les saisies réalisées dans l’e-commerce ont ainsi représenté 30 % des interceptions et 60 % des procédures. Un sondage Ifop, mené en 2018, montre que 37 % des Français se sont déjà fait avoir en achetant des produits contrefaits.
Une loi «peu novatrice»
C’est pourquoi la majorité parlementaire est montée au créneau ces derniers mois. Les députés Pierre-Yves Bournazel (Agir) et Christophe Blanchet (Modem) ont présenté, ce mercredi, en commission des Lois à l’Assemblée nationale, une proposition de loi pour «moderniser la lutte contre la contrefaçon». Ils proposent notamment la création d’une structure de coordination de lutte contre la contrefaçon ou encore l’expérimentation, pour cinq ans, d’une chambre juridictionnelle dédiée aux litiges du commerce en ligne.
Une initiative partie d’une «bonne intention», pour l’avocate Sara Byström, mais qui reste encore trop timide. «L’arsenal juridique est déjà bien pourvu en France. Il faut désormais plus de moyens financiers, numériques et personnels pour mettre en application ces règles, et pouvoir réellement identifier les contrefacteurs», explique-t-elle. Et sa consœur, Catherine Heng Huynh, de renchérir : «Il y a peu d’éléments novateurs dans la loi. Les tribunaux sont déjà habilités à juger des affaires de contrefaçon en ligne et les amendes sont relativement peu onéreuses.» Pour elle, le changement apporté par ce texte est surtout symbolique, avec une priorité mise sur la sensibilisation.
L’Union des fabricants abonde : «Il faut protéger nos concitoyens» et «prendre conscience des enjeux économiques, sociétaux, sécuritaires et environnementaux», clame son président, Christian Peugeot. Ainsi, à l’approche du Black Friday et de la frénésie commerciale des fêtes de fin d’année, l’association lance une campagne de sensibilisation, en partenariat avec l’Institut national de la propriété industrielle, le Comité national anti-contrefaçon, la douane et la gendarmerie. Sur son site internet, des conseils avisés et des quiz seront mis à la disposition des consommateurs.