La dernière livraison de l’Insee confirme l’absence de rebond de l’économie française, malgré «l’effet JO», une inflation en net reflux et un pouvoir d’achat des ménages qui s’améliore légèrement. Pour l’ensemble de l’année 2024, l’institut national de la statistique des études économiques, confirme sa prévision de croissance à 1,1 % , au même niveau que l’an passé. C’est mieux que ce que prévoyait l’Observatoire français des conjonctures économiques (+0,7 %) il y a six mois et finalement en ligne avec ce qu’espérait l’exécutif précédent, tout comme la Banque de France.
Mais cette croissance est toujours très molle et «essentiellement tirée par le commerce extérieur» qui la soutient depuis trois trimestres avec «une contribution de +1,3 point de PIB», souligne l’oracle de la statistique dans sa dernière note conjoncture publiée ce jeudi 10 octobre. Le commerce extérieur du pays a bénéficié d’un effet de rattrapage post-crise sanitaire, notamment dans l’aéronautique et la métallurgie, mais c’est tout autant le recul des importations de produits manufacturés qui permet à la balance de rester dans le vert. Ce qui témoigne d’une consommation toujours atone et d’un attentisme des entreprises.
D’ailleurs, l’objectif «plein-emploi» longtemps claironné par la macronie semble s’éloigner de plus en plus : «Sur le marché du travail, l’emploi a marqué le pas au printemps et resterait quasi à l’arrêt d’ici la fin de l’année avec 10 000 créations d’emplois salariés attendus au second semestre», selon l’Insee. Qui prévient que ce rythme risque d’être «insuffisant» pour absorber la hausse de la population active liée au report à 64 ans de l’âge de départ à la retraite. Résultat : le taux de chômage devrait «repartir légèrement à la hausse pour atteindre 7,5 % en fin d’année». Pas de miracle donc ni de divine surprise, donc, pour le gouvernement Barnier, qui présente son budget ce jeudi, et avait évidemment déjà intégré ces prévisions moroses dans ses projets de rétablissement des comptes publics à grands coups de rabot budgétaire.
La «désinflation» se poursuit
Qu’en est-il des autres moteurs économiques ? Le premier d’entre eux, à savoir la consommation des ménages «se rallume», estime l’Insee, avec un indice de confiance qui s’est amélioré ces derniers (de 90, en juin à 95 en septembre), merci l’éphémère effet «bonheur intérieur brut» des Jeux olympiques. Mais après une augmentation de +0,5 % cet été, la consommation devrait ralentir en fin d’année à +0,2 % avec un taux d’épargne qui resterait élevé (17,9 %) en 2024. L’investissement des ménages devrait lui rester dans le rouge (-0,8 % à l’été, -0,4 % à l’automne) même si les faibles signes de reprise du marché immobilier consécutif à la baisse des taux laissent espérer une embellie.
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L’autre grand indicateur est plus encourageant : le mouvement de «désinflation» se poursuit selon l’Insee qui estime que les prix ont augmenté de seulement 1,2 % sur un an en septembre, essentiellement grâce au recul relatif des prix de l’énergie (-0,7 %) et des produits manufacturés (-0,3 %) et un net ralentissement de l’inflation alimentaire (+ 0,5 %). «Au total, l’inflation resterait globalement stable d’ici la fin de l’année et s’établirait à + 1,2 % sur un an en décembre». En moyenne annuelle, «les prix à la consommation augmenteraient de 2 % en 2024», loin de l’envolée de 2022 (+5,2 %) et 2023 (+4,9 %). L’Insee souligne l’effet de la baisse du prix du pétrole (avec un baril retombé à 75 dollars) dont l’effet net devrait être globalement positif pour les pays importateurs comme la France, «apportant un soutien immédiat au pouvoir d’achat des ménages». Mais on l’a vu, cela n’a pas eu d’effet sensible sur la consommation.
Car dans le même temps les salaires ne progressent pas autant que le voudraient les Français : après avoir reculé de 3 % entre fin 2020 et fin 2023, «le salaire mensuel de base réel progresserait sur un an de + 1,4 % fin 2024». Il ne rattraperait donc que la moitié de la perte liée à l’inflation passée… Mais au bout du compte, le pouvoir d’achat, en termes de revenu disponible brut, progresserait de 1,8 % cette année, soit deux fois plus qu’en 2023.
Austérité et «chocs d’incertitude»
L’incertitude économique persistante à laquelle s’est ajouté le chaos politique provoqué par la dissolution – près de deux mois avant d’avoir un nouveau gouvernement – n’a pas arrangé le climat des affaires qui a chuté en juillet à son plus bas niveau (94 d’indicateur de climat, 100 étant la moyenne de long terme) depuis 2021 avant de remonter à 98 au mois de septembre avec la nomination d’un Premier ministre. Mais l’activité est restée atone dans l’industrie (+0,2 % au troisième trimestre) qui revient de loin, la construction (-0,6 %) et les services (+0,6 %). Et la situation financière des entreprises s’est dégradée en 2024 : d’après l’Insee, leur taux de marge a baissé à son plus bas niveau (31,1 %) depuis 2019. Et leur investissement dans leur outil de production ou leurs stocks s’en ressent.
Au bout du compte, ce que l’Insee appelle «les chocs d’incertitude» n’a pas aidé l’économie française en 2024. Mais le plus gros choc reste à venir : à savoir les effets de l’austérité sur l’activité, avec les 60 milliards d’euros d’économies sur la dépense publique recherchées par le gouvernement pour l’an prochain. Le contrecoup de ces coupes budgétaires drastiques «pourrait modifier les comportements des acteurs économiques», entreprises et ménages, au risque, prévient l’institut, de «fragiliser» la croissance encore attendue à 1,1 % seulement dans le projet de budget 2025.