Le conseil d’administration de crise de Danone a accouché lundi soir d’un habile compromis. Une sorte de motion de synthèse appliquée au monde des affaires. La décision permet au PDG de la multinationale agroalimentaire française, Emmanuel Faber, de sauver la face, tout en répondant favorablement aux critiques formulées par ses adversaires, parmi lesquels des actionnaires activistes et certains membres du conseil. Sous pression depuis plusieurs semaines, le patron de Danone a accepté de céder la direction générale de l’entreprise, c’est-à-dire sa gestion opérationnelle, pour ne garder que la présidence, soit la fonction de supervision. Autrement dit, le PDG perdra bientôt les deux dernières lettres de ce titre ronflant. Un processus de recrutement va être lancé, à l’issue duquel un nouveau taulier sera nommé.
La dissociation des deux fonctions était une demande explicite de Bluebell et Artisan, les fonds d’investissement qui se sont récemment invités au capital de Danone pour secouer l’entreprise, chahutée en bourse depuis un an et demi par les marchés. Cette exigence était soutenue par plusieurs administrateurs goûtant moyennement la façon dont la valorisation de la société avait flanché. Parmi eux, l’ancien patron et fils du fondateur, Franck Riboud, qui avait pourtant intronisé Emmanuel Faber en 2014.
Pour ce dernier, la réduction de son périmètre est clairement un désaveu. L’usage veut, dans les grandes entreprises, que le pouvoir soit dans les mains de la direction générale, plutôt que dans celles de la présidence, cantonnée à un rôle plus indirect. Cette répartition des tâches est néanmoins très théorique. Dans les faits, elle est toujours le produit d’un rapport de forces, qui dépend des personnalités occupant les fauteuils. Vincent Bolloré n’a jamais eu besoin d’être directeur général de Vivendi pour en être le patron. Pour juger de la nouvelle configuration de Danone à son sommet, il faudra attendre de connaître le profil choisi pour la direction générale. Cela devrait prendre quelques mois. Selon une source proche de la direction actuelle, Emmanuel Faber participera au processus de sélection. Pour placer un fidèle ou un affidé ?
Nommé DG en 2014 puis PDG en 2017, Emmanuel Faber peut se féliciter de ne pas être chassé de la boîte. Les fonds rebelles militaient pour son départ pur et simple, et avaient trouvé des relais en interne. Dans un communiqué, Danone assure que la dissociation des fonctions a été décidée «sur proposition d’Emmanuel Faber». Formule polie de circonstance. Le texte précise aussi que le plan stratégique «Local First» conçu à l’automne par le patron de l’entreprise a reçu lundi soir le «soutien unanime» du conseil d’administration. Ce projet était contesté par les fonds d’investissement qui rôdent autour de la société aux 100 000 salariés dans le monde. Dimanche soir, déjà, Emmanuel Faber avait tenté d’amadouer ces redoutables opposants en leur annonçant une bonne et juteuse nouvelle : la cession prochaine d’une participation dans une société laitière chinoise, estimée à 850 millions d’euros, somme devant être redistribuée aux actionnaires. On n’attire pas les mouches avec du vinaigre.