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Libération
«Effort ciblé»

2 milliards par an : dans le budget 2025, un petit effort de trois ans pour les grandes fortunes

Parmi les nouvelles recettes proposées par le gouvernement dans son projet de loi de finances, une nouvelle contribution sur les hauts revenus prévue sur trois ans.
Moins de 0,3 % des ménages seront concernés par les hausses d'impôts sur les grandes fortunes, soit 65 000 d'entre eux. (Joel Saget/AFP)
publié le 10 octobre 2024 à 20h26

C’est une rupture majeure avec la politique menée depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Depuis sept ans, le président de la République a justifié, au nom de sa théorie des «premiers de cordée», une série de cadeaux fiscaux aux plus aisés, à commencer par la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, remplacé par un impôt sur la fortune immobilière et par la mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique qui plafonne à 30 % l’imposition des revenus mobiliers. Alors que l’argent public déversé pendant les crises du Covid-19 et de l’inflation a participé à l’enrichissement considérable des plus grandes fortunes ces dernières années, le chef de l’Etat a systématiquement refusé de leur demander le moindre effort fiscal, comme cela a été le cas dans d’autres pays européens, qualifiant même, lors d’un Conseil des ministres l’an dernier, le débat sur la fiscalité des riches de «piège à la con».

«Effort ciblé» sur 65 000 ménages les plus riches

Le Premier ministre Michel Barnier, qui insiste depuis son arrivée à Matignon sur une nécessaire «justice fiscale», compte cette fois les faire (un peu) contribuer au redressement des comptes publics. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit d’instaurer un mécanisme temporaire, sur trois ans. Seront concernés les 65 000 ménages les plus riches, moins de 0,3 % du total, dont le revenu annuel de référence dépasse 250 000 euros pour une personne seule et 500 000 euros pour un couple, soit les contribuables déjà assujettis à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. «Il n’affecte pas la très grande majorité des contribuables, préserve les revenus du travail, et correspond à un effort ciblé sur les foyers aux revenus les plus élevés qui acquittent moins de 20 % d’impôt sur le revenu», argumente le dossier de presse de Bercy. Plus précisément, ceux dont l’imposition n’atteint pas 20 % de leurs revenus paieraient la différence pour atteindre ce taux. Cette «contribution différentielle» rapporterait 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires à l’Etat.

Ces 2 milliards récupérés risquent de ne pas mettre un terme au dysfonctionnement majeur du système fiscal, régressif pour les gigariches, mis en évidence l’an dernier par l’Institut des politiques publiques. Quand les 0,1 % les plus aisés de la population ont un taux d’imposition globale de 46 %, celui des 75 foyers les plus riches n’est que de 26 % – une différence qui tient, entre autres, aux revenus liés aux bénéfices non distribués de sociétés, soumis à l’impôt sur les sociétés. Selon des calculs théoriques faits avec les données, Libération avait alors estimé que l’Etat pourrait récupérer jusqu’à 35 milliards d’euros en soumettant tous les revenus des 10 % les plus aisés au barème de l’impôt sur le revenu. Ce n’est qu’un ordre de grandeur, reposant sur des données de 2016, deux ans avant les réformes macronistes de la fiscalité du capital, mais l’écart avec le rendement attendu par le gouvernement pour sa mesure est grand. Nul doute que certains parlementaires proposeront par amendement un taux plus élevé que les 20 %.