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Aéronautique

Dassault a vu ses résultats piquer du nez en 2023

Le chiffre d’affaires de l’avionneur a plongé de 31 % l’an dernier et sa rentabilité s’est dégradée. En cause : des retards de livraison et le coup de mou de la branche aviation d’affaires, alors que le carnet de commandes de son Rafale est bien rempli.
Maquette d'un Falcon 8X et d'un avion de combat multirôle Dassault Rafale de l'armée de l'air du Qatar, exposés lors d'un salon international à Doha, le 5 mars. (Noushad Thekkayil/NurPhoto.AFP)
publié le 6 mars 2024 à 14h24

Jusqu’à preuve du contraire, le Rafale n’est pas près de voler dans le ciel du Donbass sous les couleurs bleu et jaune, contrairement au F-16 américain qui va être livré aux forces aériennes de Kyiv par les Pays-Bas et le Danemark. Et contrairement à Thales, dont il est actionnaire à 26 %, Dassault Aviation n’a pas directement profité l’an dernier de l’explosion des dépenses d’armement dans un monde marqué par le retour de la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient, même si le carnet de commandes de l’avion de combat reste plein avec 211 Rafale à livrer (70 pour l’armée de l’air française et 141 à l’export). Plus gênant pour l’avionneur, sa branche aviation d’affaires, qui produit les jets Falcon, a connu un sérieux coup de mou à la suite d’importants problèmes d’approvisionnement : «On a manqué de pièces suite à des retards techniques ou des difficultés financières rencontrées par des sous-traitants français et européens avec l’arrêt des aides accordées pendant la pandémie de Covid», a expliqué le PDG, Eric Trappier, en présentant des résultats financiers 2023 en demi-teinte.

L’an dernier, Dassault Aviation, qui reste contrôlé à 64 % par les héritiers Dassault et à 10 % par Airbus, a ainsi vu son chiffre d’affaires plonger de 31 % à 4,8 milliards d’euros, contre presque 7 milliards l’année d’avant. En cause donc, des retards : l’avionneur n’a livré que 13 Rafale (11 à la France et 2 à la Grèce) et 26 Falcon en 2023, là où il en prévoyait respectivement 15 et 35. Il pointe également l’entrée en service «décalée» de son nouveau jet privé Falcon 6X due selon lui à des «améliorations» qui ont facilité sa certification par le régulateur européen EASA en août.

Par ailleurs les prises de commandes ont à peine dépassé 8 milliards d’euros en 2023, contre 22 milliards l’année en 2022, année marquée par la méga commande de 80 Rafale par les Emirats arabes unis. Les deux exercices n’étaient pas franchement comparables. Mais au bout du compte, le résultat opérationnel a chuté à 349 millions d’euros, contre 572 millions un an plus tôt, Dassault réussissant toutefois à maintenir ses profits nets pour 2023 à 693 millions d’euros (- 7 %). Pour plus de la moitié grâce à la contribution financière de sa participation dans Thales, qui fournit toute l’électronique et l’optronique de ses avions.

Coup de gueule contre la «taxonomie punitive»

Heureusement pour lui, le groupe, qui emploie 13 000 salariés, peut donc se targuer d’importantes commandes militaires, notamment la nouvelle tranche de 42 Rafale destinés à l’armée de l’air notifiée en décembre par la Direction générale de l’armement et à quelque 36 autres Rafale récemment achetés par l’Indonésie : «Nous avons dix ans de travail», a claironné Eric Trappier. De quoi compenser la faiblesse des ventes de jets d’affaires : en 2023, seuls 23 Falcon neufs ont été commandés, contre 64 en 2022 et 51 en 2021 alors que le monde commençait à sortir du Covid. Au total, le carnet de commandes atteignait 38,5 milliards d’euros fin 2023 (+10 %). Essentiellement situé en Europe et aux Etats-Unis «le marché de l’aviation d’affaires n’est pas bon» a reconnu Trappier. Cela explique sans doute aussi que la production du futur Falcon 10X ait été décalée dans le sillage du 6X.

Le patron de Dassault ne s’est en tout cas pas privé de pointer le «jet shaming» dont seraient victimes ses Falcon et surtout une «taxonomie punitive et non incitative» visant l’aviation d’affaires qui ne représente pourtant selon lui «que 2 % des 2 % d’émissions de CO2 attribuées au secteur de l’aéronautique» sur le total des émissions contribuant au réchauffement climatique. A ce sujet, il a promis «d’aller au combat» devant la justice contre la Commission européenne, mettant en avant les efforts de son groupe pour limiter les émissions. Avec notamment des systèmes d’optimisation de trajets assistés par l’IA et l’utilisation de carburants plus propres dits «SAF» testés à 30 % du plein de kérosène «avec l’objectif d’atteindre 100 %» et la «neutralité carbone d’ici 2050».

En attendant, ce sont donc surtout les chaînes de production du Rafale qui tournent à plein régime dans l’usine historique de Bordeaux Mérignac pour assembler l’avion de combat multirôles : «la cadence va progressivement monter de deux à trois exemplaires par mois pour faire face aux livraisons alors qu’il y a cinq ans j’aurais dit : avant de passer à la cadence 3, il faut les vendre ces avions», s’est félicité Eric Trappier. Dassault espère notamment vendre de nouveaux Rafale Marine à l’Inde après les 26 exemplaires déjà commandés et évoque «de nouveaux prospects». Ce qui explique sans doute que son PDG soit plus optimiste pour 2024, avec un chiffre d’affaires prévisionnel de 6 milliards, 20 Rafale et 35 Falcon à livrer. Pour la suite, ce sont bien les ventes d’armement qui devraient continuer à propulser l’activité du groupe, avec des programmes de long terme liés à l’Europe de la défense comme le «SCAF» (système de combat aérien du futur) qui associera avions de chasse et drones automatisés, ou le projet de drones à moyenne altitude et longue endurance «Eurodrone» piloté par Airbus.