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Déclaration de politique générale : sur l’économie et la fiscalité, François Bayrou lâche un peu du lest

D’abord très vague sur ses projets budgétaires lors de son discours à l’Assemblée ce mardi 14 janvier, puis pressé par les socialistes, le Premier ministre a esquissé les concessions accordées, au premier rang desquelles une taxe sur le patrimoine.
A l'Assemblée nationale, durant la déclaration de politique générale de François Bayrou, à Paris le 14 janvier 2025. (Albert Facelly/Libération)
publié le 14 janvier 2025 à 20h57

La dette, la dette, la dette. François Bayrou candidat l’avait mise au cœur de ses campagnes présidentielles, François Bayrou Premier ministre l’a choisie comme premier thème de sa déclaration de politique générale. Il n’a cette fois ni évoqué son poids du cartable des écoliers ni son immoralité comme il en a coutume, mais l’a comparée à «l’épée de Damoclès au-dessus de notre pays et de notre modèle social» – la dette publique était de 113,7 % du produit intérieur brut (PIB) fin septembre, selon l’Insee. «J’affirme qu’aucune politique de ressaisissement et de refondation ne pourra être conduite si elle ne tient pas compte de notre surendettement et si elle ne se fixe pas comme objectif de le contenir et de le réduire», a posé d’emblée le Premier ministre avant de se lancer dans une distribution de – mauvais – points à tous les partis, ceux «dits de gouvernement» et ceux d’opposition qui, en «demandant sans cesse des dépenses supplémentaires, ont dansé aussi le tango fatal qui nous a conduits au bord de ce précipice».

Poule aux œufs d’or

Le Premier ministre a néanmoins lâché du lest sur le déficit. S’il reprend à son compte les textes budgétaires rédigés par Michel Barnier, le projet de loi de finances (PLF) – dont l’examen redémarre ce mercredi 15 janvier au Sénat – et celui de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 – de retour le 3 février à l’Assemblée, il en change le cadrage. Son prédécesseur voulait ramener le déficit public de 6,1 % du PIB fin 2024 à 5 % cette année. François Bayrou vise, lui, 5,4 % cette année – et toujours moins de 3 % en 2029, comme la France s’y est engagée auprès de la Commission européenne. La prévision de croissance est, elle, revue à la baisse, de 1,1 % à 0,9 %, «conformément aux prévisions de la Banque de France». Un choix qu’il inscrit dans la succession de «la crise née du vote de la motion de censure».

Il a fallu attendre la réponse du Premier ministre après les interventions de tous les groupes pour connaître les modifications à venir sur le budget destinées à obtenir la clémence d’une partie de la gauche et tenter d’échapper à la censure. Dans sa déclaration, il n’avait quasiment rien dit, se bornant à citer les économies prévues pour les collectivités, un effort ramené «de 5 milliards initialement à 2,2 milliards en 2025». Tout près des 2 milliards qui avaient fait l’objet d’un accord entre Michel Barnier et les sénateurs à majorité de droite, avant la censure.

Sur la justice fiscale – expression qu’il n’a pas prononcée –, il était resté muet, estimant même que les entreprises devaient être «prémunies contre des augmentations exponentielles d’impôts et de charges» et se référant à la poule aux œufs d’or tuée dans la fable de La Fontaine. Ce silence a d’abord agacé à gauche de l’hémicycle, en particulier les socialistes qui ont passé ces derniers jours dans d’intenses négociations sur la réforme des retraites et le budget avec notamment le ministre de l’Economie et des Finances, Eric Lombard. «A vous écouter, je peux vous dire que le compte n’y est pas», a réagi Boris Vallaud, le président des socialistes à l’Assemblée, interpellant le Premier ministre : «Où sont vos engagements ? Où sont vos compromis ?»

Liste de «concessions»

Il était 19 heures bien tapées quand, enfin, le centriste a dressé une liste de ces «concessions». Il n’a repris que quelques-unes des 37 mesures que réclame le PS. Sur les 4 000 suppressions de postes d’enseignants prévues dans l’Education nationale, il semble en maintenir 2 000 (soit ce qu’avait voté le Sénat à l’unanimité). Il a évoqué le relèvement du taux de la taxe sur les transactions financières créée en 2012, actuellement de 0,3 % – les sénateurs ont voté 0,4 %, les socialistes réclament 0,5 %. «Il me semble qu’on n’est pas si loin», a-t-il commenté. Evoquée sans détail non plus, la taxe sur les rachats d’actions. Il a annoncé être «en train de travailler sur une taxe anti-optimisation sur les hauts patrimoines» pour le budget 2025, taxe qui remplacerait la contribution différentielle sur les hauts revenus prévue par Barnier, sans préciser ni le taux ni l’assiette. Selon nos informations, la piste discutée était un taux de 0,5 % pour un rendement de 2 milliards. «A ce stade, c’est peu, observe-t-on chez les socialistes. On attend demain des réponses plus précises et mieux formulées.» Avant de se prononcer jeudi sur la première des motions de censure déposée par les insoumis.