Le service après-vente après la vague d’indignation. Alors que les inquiétudes montent concernant le durcissement des règles des découverts bancaires prévu pour fin 2026, le ministre de l’Economie Roland Lescure sort la carte de l’apaisement. «Je réunirai les banques et les associations de consommateurs dès ce mardi pour éclaircir les doutes, rassurer et pour que l’on travaille ensemble aux textes d’application», a-t-il annoncé dans un entretien publié ce 2 novembre dans la Tribune Dimanche. Une question d’autant plus importante que 15 % des Français y ont recours chaque mois, selon le baromètre de la précarité en France, publié par le Secours populaire en septembre.
«Diminuer les frais»
Actuellement, le découvert permet aux clients des banques de passer en négatif pour quelques centaines d’euros, sur un temps donné, sans besoin de demande de dérogation. Intégré dans la convention de compte de la plupart des clients, il est aujourd’hui une formalité. Or chaque banque fixe elle-même les conditions de durée, de montant et de taux d’intérêt qui permettent à un client d’avoir un solde débiteur, c’est-à-dire d’être temporairement «dans le rouge».
Décryptage
Dès le 20 novembre 2026, conformément à la transposition dans la loi française d’une directive européenne, les établissements bancaires auront davantage d’impératifs lorsqu’ils étudieront la solvabilité du client avant de lui accorder un découvert bancaire. L’information précontractuelle va notamment être renforcée (présentation des coûts, du taux du crédit, conditions de remboursement…). De quoi permettre plus de transparence. «L’intérêt de ce texte consiste avant tout à diminuer les frais appliqués aux découverts bancaires», a même justifié le ministre.
Mais dans le même temps, les conditions d’obtention du découvert seront largement durcies, et les banques devront évaluer la solvabilité du client - donc éplucher ses revenus, dépenses fixes et charges, son endettement, ses retards de paiements... - avant de lui accorder un solde négatif. Ce qui signe donc la fin du découvert automatique. La France a toutefois choisi le seuil de 200 euros minimum à partir duquel le découvert deviendra un crédit (et engendrera le protocole d’examen du dossier du client).
Une mesure «infantilisante» pour LFI
«Les découverts bancaires ne seront pas interdits et la demande de découvert était déjà obligatoire», a temporisé Roland Lescure. «Pour des découverts importants - au-delà de 200 euros - une banque est d’ores et déjà contrainte de procéder à une analyse de crédit. Le texte instaure la même procédure pour les découverts inférieurs à 200 euros», a-t-il ajouté.
Dans Libé, l’économiste Christophe Dembik craignait qu’avec cette mesure, «beaucoup de banques refuseront probablement d’accorder un découvert de plus de 200 euros aux ménages les plus fragiles, ce qui veut dire que ces foyers vont se tourner vers des prêts à la consommation qui sont faits par d’autres acteurs à des taux tout simplement exorbitants.»
Autre changement majeur, qui va affecter principalement les ménages les plus modestes et ce à quoi le ministre ne répond pas : le découvert va compter dans le taux d’endettement, qui ne doit pas dépasser 35 % pour les ménages. Ce qui risque donc d’entraîner les banques à refuser d’accorder un découvert de plus de 200 euros aux ménages les plus vulnérables. Et ainsi les fragiliser encore plus. De quoi pousser les oppositions, et particulièrement la France insoumise, à se mobiliser contre cette mesure. Ce dimanche, le mouvement fondé par Jean-Luc Mélenchon a investi plusieurs marchés en France, dénonçant notamment une mesure «infantilisant[e]» et appelant au contraire à voter une loi rendant «le droit au découvert et pour supprimer les agios abusifs».