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Déficit : pour calmer ses troupes, Gabriel Attal annonce une mission «sur la taxation des rentes»

Le Premier ministre a annoncé mardi le lancement d’une mission parlementaire qui doit produire des propositions «d’ici à juin», alors que l’opportunité d’augmenter ou pas les impôts pour résorber le déficit divise le camp présidentiel.
Le Premier ministre Gabriel Attal assiste à une cérémonie « d'hommage national » à Philippe de Gaulle, fils de Charles de Gaulle, à l'Hôtel des Invalides à Paris, France, le 20 mars 2024. (Ludovic Marin/POOL.REUTERS)
publié le 2 avril 2024 à 15h59
(mis à jour le 2 avril 2024 à 16h37)

Où trouver l’argent ? En quête de nouvelles ressources face au creusement du déficit public, le Premier ministre, Gabriel Attal, a déclaré ce mardi 2 avril «confier une mission à notre majorité». L’objectif : «Faire des propositions sur la taxation des rentes, d’ici à juin», selon des propos tenus devant le groupe Renaissance à l’Assemblée nationale et rapportés par Matignon.

En écho à ses propos tenus sur le plateau TF1 le 27 mars où il avait assuré qu’il n’avait pas de «dogme» sur la question d’une nouvelle imposition des plus fortunés le Premier ministre a martelé devant ses troupes qu’il ne fallait «pas [avoir] de tabou», défendant «une méthode et un cadre». Pour Gabriel Attal, cette mission doit permettre de calmer une frange de sa majorité qui réclame plus de justice fiscale, en opposition au ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, qui s’oppose à toute augmentation des impôts.

Ce débat agite la majorité alors que l’Insee a annoncé, le 26 mars, un déficit public à 5,5% du PIB en 2023, bien au-dessus de 4,9% initialement prévus et encore plus des 3% réglementaires au niveau européen. Après avoir déjà annoncé 10 milliards d’euros de coupes pour 2024, l’exécutif doit identifier au moins 20 milliards d’euros d’économies supplémentaires pour le budget de l’année prochaine. Dans un avis publié mardi, l’agence de notation Fitch a jugé «peu ambitieux» et «de plus en plus hors de portée» les objectifs de réduction du déficit français. Une opinion qu’avait déjà exprimée fin mars l’agence Moody’s. L’une et l’autre doivent annoncer le 26 avril si elles révisent la note financière du pays.

Jean-René Cazeneuve à la manœuvre

Gabriel Attal a précisé que cette mission parlementaire sera «conduite par Jean-René Cazeneuve, notre rapporteur du budget, avec un représentant de chaque groupe» de la majorité, c’est-à-dire Renaissance, le Modem et Horizons. Le député du Gers et rapporteur général du budget à l’Assemblée avait travaillé en juillet 2023 au côté d’Eric Coquerel à un rapport sur les différentiels de fiscalité entre entreprises. Il sera accompagné de la députée Renaissance des Yvelines et située à gauche dans le groupe Nadia Hai, du député Horizons et ex-LR de l’Indre François Jolivet, et du président du groupe Modem, Jean-Paul Mattei. Ce dernier est notamment un fervent partisan de taxer davantage les superprofits, les superdividendes et les hauts patrimoines.

Selon un sondage Viavoice pour Libé publié le 24 mars, la taxation des superprofits est une proposition majoritaire dans l’opinion. «On va trancher ce débat ensemble, car on ne doit pas subir, mais on doit être à l’offensive, a insisté Gabriel Attal. On doit maîtriser les débats qui montent dans l’opinion, faire des propositions et décider. Mais on doit surtout avancer de manière coordonnée. Cohérente.»

Dans le même temps, Gabriel Attal a aussi affirmé «assumer» une réforme de l’assurance chômage «pour construire un pays plus fort». Plusieurs ténors de «l’aile gauche» de la majorité ont déjà exprimé leur opposition à une réduction de la durée de l’indemnisation des demandeurs d’emploi. «C’est grâce à l’emploi que nous pourrons désendetter le pays et réarmer nos services publics», a jugé le Premier ministre, assurant que cette réforme a pour but de faciliter le retour des chômeurs à une activité.

Les oppositions contre-attaquent

Gabriel Attal, qui a rappelé que le gouvernement donnerait la semaine prochaine «la trajectoire qui permettra d’atteindre les 3% en 2027», a également déclaré : «C’est important de garder notre cohérence et ne pas se laisser intoxiquer par les oppositions qui laisseraient croire que nous n’avons pas de boussole», fustigeant «les faiseurs de malheurs incapables de prendre des initiatives».

Des oppositions qui, au moment de cette annonce du Premier ministre, ont souhaité se faire entendre. Les députés Républicains ont ainsi officiellement fait savoir qu’ils allaient lancer une commission d’enquête sur «l’aggravation de la dette sous la présidence d’Emmanuel Macron». A gauche, la présidente du groupe de La France insoumise à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, a, de son côté, déclaré durant un point presse que «si le parlement n’est pas consulté avant l’été par un Projet de loi de finances rectificative, le groupe LFI déposera une motion de censure sur la politique budgétaire».

Par ailleurs, dans une interview aux Echos publiée ce mardi 2 avril au matin (avant l’annonce de Gabriel Attal), le président délégué du Conseil d’analyse économique (rattaché à Matignon) Camille Landais également chercheur à la London School of Economics déclarait que «refuser toute hausse d’impôts, au vu de notre situation budgétaire», serait «absurde». Dans les colonnes du quotidien économique, il explique notamment que même si «nous avons déjà un taux de prélèvements obligatoires élevé» et que «la consolidation de notre déficit primaire ne pourra se faire seulement en augmentant les recettes», il ne voit «pas comment cette consolidation budgétaire pourra être défendue sans faire contribuer tout le monde, notamment les plus riches».

Mise à jour : le 8 avril à 10h30, avec la désignation de François Jolivet comme représentant Horizons de la mission