Invités à participer à l’effort budgétaire par Michel Barnier, les élus des collectivités territoriales rappellent régulièrement que ces dernières doivent toujours assumer plus de responsabilités sans obtenir les moyens nécessaires pour ces missions. Or la Cour des comptes préconise ce mercredi 2 octobre qu’elles suppriment 100 000 emplois des fonctionnaires. Sébastien Martin, président de la communauté d’agglomération du Grand Chalon (Saône-et-Loire) depuis 2014 et de l’association Intercommunalités de France, revient sur la gestion financière des collectivités au quotidien.
Bercy table sur 60 milliards d’euros d’effort budgétaire, dans le cadre duquel les collectivités seront mises à contribution. Comment réagissez-vous ?
Il semblerait déjà qu’il y ait un changement de ton vis-à-vis des collectivités locales, et que le gouvernement ne considère qu’elles ne sont pas responsables du dérapage. C’est déjà une bonne nouvelle. Mais j’aimerais surtout que l’Etat commence par donner ce qu’il doit aux collectivités locales. On nous dit qu’on dépense trop, mais nous avons construit nos budgets en fonction de ce qui était prévu dans le projet de loi de finances pour 2024. Et, a priori, il va manquer 1,7 milliard de TVA pour les collectivités. Moi, je ne me lève pas tous les matins en me disant : «Chouette, je peux dépenser plus.»
Avez-vous un exemple de nouvelle dépense imposée par l’Etat ?
Les hausses du point d’indice des fonctionnaires, évidemment, mais aussi les protections sociales complémentaires par exemple. Pour une agglomération comme la mienne, le Grand Chalon, l’an prochain, l’application de cette mesure, qui est imposée, c’est 400 000 euros de plus. Le Premier ministre a également dit que la transition écologique reste une priorité. Sur ce sujet, comme sur d’autres, on va voir comment on fait plus avec moins. J’attends la baguette magique.
Les collectivités locales dépensent-elles trop ?
Ne faisons pas semblant de découvrir qu’à deux ans des élections municipales, en général, les collectivités locales sont dans leur pic d’investissement. Mais sur la durée, nos ratios financiers ne bougent pas depuis dix ans. Je trouve que le Premier ministre a une forme de sang-froid et je pense que c’est nécessaire car n’oublions pas que les deux poumons de l’investissement, ce sont les entreprises et les collectivités. Donc il ne faut pas casser tout ça.
Le Premier ministre a dit qu’il ne souhaitait faire «ni contre ni sans» les collectivités…
Nous sommes toujours dans une phase de séduction de la part de Michel Barnier. Une fois que cette phase sera passée et qu’on se mettra très clairement autour de la table pour parler des objectifs qui sont les siens, on en saura plus. La danse du paon ne pourra pas durer éternellement. Il y a bien un moment où on va commencer à descendre dans l’arène.
Dans un rapport rendu ce mercredi, la Cour des comptes appelle à la suppression de 100 000 postes dans les collectivités territoriales…
Si on décentralise plus, il y a plus de fonctionnaires territoriaux et moins de fonctionnaires d’Etat. C’est logique. Et depuis vingt ans, l’Etat confie plus de responsabilités aux territoires. Or la part des dépenses des collectivités dans le PIB n’a pas bougé depuis quinze ans, autour de 11 %. Donc elles ont plus de compétences, plus de responsabilités, sans doute plus de personnes pour les exercer, et elles ne coûtent pas plus dans la richesse nationale. Je veux bien que la Cour des comptes vienne faire les DRH chez nous et on est prêts à regarder toutes les possibilités de mieux dépenser l’argent public. Mais il faut m’expliquer comment on assume plus de responsabilités avec moins de monde pour le faire. Je crois que ce n’est pas l’illustration d’une volonté très décentralisatrice. D’ailleurs, je pense que notre cadre d’organisation ne correspond plus à une République décentralisée.