Une mauvaise nouvelle supplémentaire pour le futur gouvernement de François Bayrou. Elle vient de l’activité économique, qui fait du surplace au dernier trimestre de l’année, et cela ne devrait qu’un tout petit peu s’améliorer dans les six premiers mois de 2025, selon une note publiée par l’Insee ce mardi 17 décembre. Après une croissance du produit intérieur brut de 1,1 % cette année, celui-ci ne progresserait que légèrement, de 0,2 % à chacun des deux premiers trimestres. Cela signifie que pour atteindre 1,1 % de croissance en 2025, comme inscrit dans feu le projet de budget du gouvernement Barnier, il faudrait à deux reprises une hausse de 0,8 % aux derniers trimestres. Ce qui, comme le constate Dorian Roucher, chef du département de la conjoncture, est «un rythme élevé pour la croissance française». Difficilement atteignable donc, comme l’a constaté également la Banque de France, qui a livré lundi 16 décembre ses dernières prévisions, en révisant à la baisse la croissance française, à 0,9 % en 2025 contre 1,2 % anticipé précédemment.
Les deux moteurs qui se sont allumés cette année pour porter l’activité, parfois à la surprise des conjoncturistes, devraient caler. L’un, les dépenses publiques, devrait être freiné par la loi spéciale adoptée à l’Assemblée lundi, qui remplace temporairement le projet de loi de finances et ne peut – au mieux – que reconduire les montants passés dans le budget pour 2024. L’autre moteur, le commerce extérieur, retrouverait des niveaux habituels.
Ni les entreprises, à travers leurs investissements, ni les ménages, à travers leurs dépenses de consommation, ne viendraient prendre franchement le relais. Les premières ont déjà réduit leurs investissements (de 1,6 % cette année) malgré la baisse des taux directeurs par la Banque centrale européenne et, plongées dans le brouillard politique et budgétaire, elles attendraient pour investir à nouveau. «L’assouplissement monétaire et l’accélération de la demande étrangère constitueraient des facteurs de soutien, mais, à l’inverse, le climat d’incertitude conduirait à geler les investissements», remarque l’Insee. Du côté de l’emploi, «il s’étiole, mais ne dévisse pas», avec un taux de chômage qui passerait de 7,4 % de la population active au troisième trimestre à 7,6 % mi-2025.
Une prévision d’inflation à 1 %
Quant aux ménages, ils tardent toujours à relancer le moteur traditionnel de la croissance française, la consommation. La désinflation pourrait pourtant les y encourager : les prix ne progressent plus que de 1,3 % sur un an en novembre, et l’Insee anticipe une inflation de 1 % sur un an en juin. La progression de leur pouvoir d’achat aussi : il a enfin augmenté cette année de 2,1 %, après 0,9 % l’an passé, et, calculé par unité de consommation, qui traduit mieux la situation individuelle moyenne, de 1,5 % après 0,3 %. Cela s’explique par les revalorisations des prestations sociales, qui interviennent après l’inflation constatée, et donc avec retard. Les retraites de base, notamment, ont été augmentées de 5,3 % au début de l’année. Les salariés, eux, récupèrent peu à peu les pertes accumulées depuis 2022 – ils en sont à la moitié du chemin. «Les gains de pouvoir d’achat des salaires cumulés en 2024 et début 2025 (1,6 % pour le salaire moyen par tête) resteraient inférieurs aux pertes des deux années 2022 et 2023 (-2,8 % pour le SMPT corrigé du chômage partiel)», calcule l’Insee.
Pourquoi la consommation ne repart-elle pas et pourquoi l’épargne reste-t-elle aussi élevée, à un taux record de 18 % ? L’Insee a observé à travers ses enquêtes que les ménages mettaient du temps à prendre conscience de la fin de l’épisode inflationniste. Ce décalage entre l’arrêt de la hausse des prix enregistrée dans les statistiques, pour l’énergie notamment, et sa perception par les ménages dure entre six et huit mois. Par ailleurs, les revenus intègrent aussi ceux du patrimoine, qui ont plutôt tendance à être conservés. Cette épargne colossale, 4 points au-dessus de celle de 2019, est «un signe d’une forme d’attentisme de la part des ménages». Si on revenait au niveau de 2019, cela correspondrait, ajoute Dorian Roucher, à 60 milliards d’euros de consommation en plus dans l’année. Un attentisme qui pourrait cesser en cas de «rétablissement rapide de la confiance», suggère l’Insee. Cela a été le cas cet été, à la faveur des JO et des élections. Une bulle d’optimisme qui a rapidement éclaté…