La surprise du chef. Alors que Donald Trump a déclaré la guerre commerciale au monde entier mercredi 2 avril, un tableau de la Maison Blanche récapitulant les nouvelles surtaxes douanières américaines, indique que les départements et territoires ultramarins français vont être soumis dans les prochains jours à des niveaux de taxation spécifiques, bien différents des 20 % qui vont s’appliquer à l’UE, donc à la France métropolitaine. La surtaxe imposée à la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et Mayotte par les autorités américaines ne sera ainsi que de 10 %. Moitié moins que celle appliquée aux autres membres de l’Union européenne.
Dans leur calcul, les Etats-Unis ont pris en compte ces territoires indépendamment de leur appartenance à l’UE. Même s’ils font bien partie de l’UE en termes de douanes, Washington les a considérés comme des territoires à part étant donné leur statut fiscal différent au sein de l’UE. Afin d’encourager leur développement économique, ces Drom bénéficient en effet d’un régime de TVA différencié, prévu par le code des impôts. Et, pris individuellement, ils ont une balance commerciale déficitaire avec les Etats-Unis. Ce qui n’empêche pas l’administration Trump d’avoir fixé un plancher automatique : «La formule utilisée par Donald Trump pour calculer ces nouveaux droits de douane se base sur la balance commerciale, éclaire Charlotte Emlinger, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii). Quand la balance est favorable aux Etats-Unis, les droits de douane appliqués aux produits venus de territoires avec une balance déficitaire ne sont fixés qu’à 10 %», détaille l’économiste.
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C’est pourquoi, à l’inverse, la Réunion, qui est pourtant dans la même situation fiscale que ces territoires, verra ses produits taxés non pas à 10 % comme les autres Drom, pas davantage à 20 % comme l’UE, mais à hauteur de 37 %. «Ces nouveaux droits sont censés rétablir une balance nulle entre les Etats-Unis et les territoires dont la balance est favorable. Or, le peu de produits exportés de la Réunion vers les Etats-Unis crée une balance très positive en faveur de l’île. Même s’il s’agit de montants dérisoires, cela crée de forts droits de douane», explique Charlotte Emlinger. En l’occurrence, une partie de cet excédent favorable provient de la pêche et notamment à la vente de légine, un poisson pêché au large de l’île et dont 30 % des quantités prélevées (1 100 tonnes en 2024) sont envoyées vers les Etats-Unis.
La situation est encore différente pour Saint-Pierre-et-Miquelon et la Polynésie française, qui n’appartiennent pas à l’UE aux yeux des douanes mais bénéficient aussi d’un statut fiscal à part. Ce qui explique, là encore, pourquoi le gouvernement américain leur a réservé un traitement différent. La Maison Blanche prévoit ainsi d’imposer des droits de douane de 10 % sur les produits importés depuis la Polynésie française et de 50 % pour ceux venant de Saint-Pierre-et-Miquelon.
«C’est pareil, Saint-Pierre-et-Miquelon doit très peu exporter vers les Etats-Unis et malgré tout importer encore moins ce qui amène ce chiffre», précise Charlotte Emlinger. Comme pour La Réunion, cet excédent vient pour bonne partie des exportations de poissons comme le cabillaud ou de crustacés depuis l’archipel vers les Etats-Unis. Pour autant, d’après l’économiste, les territoires ultramarins frappés par cette augmentation des droits de douane ne devraient pas en souffrir. «Peut-être qu’une ou deux entreprises locales auront besoin d’aide mais c’est anecdotique pour les économies locales étant donné les petites sommes qui sont en jeu.»
Quelles qu’en soient les conséquences, les annonces ont suscité la colère du ministre chargé des Outre-mer, Manuel Valls. Jeudi soir, l’ancien socialiste a dénoncé un «cumul d’incohérences, d’absurdité et d’incompétence», et rappelé que «l’intention initiale de taxer différemment les territoires ultramarins est profondément politique».
Mise à jour à 21h17 avec la réaction de Manuel Valls