Pour Maxime Toubart, vice-président du Comité national des interprofessions des vins (Cniv) et producteur de champagne, cette crise fragilise davantage une filière déjà touchée par la baisse de consommation de vins dans le monde. Mais elle doit également pousser le secteur à s’interroger sur sa résilience, tout en appelant à une réponse collective et européenne.
Dans quelle mesure cette hausse des taxes douanières menace-t-elle le marché des vins et spiritueux ?
La répercussion se fait sur toute la filière, mais aussi sur les emplois connexes : le matériel, le machinisme, les salariés, le bâtiment. Il y a également ceux qui revendent au bout qui vont être pénalisés : les importateurs, les distributeurs et les cavistes américains vont avoir un business qui va se tendre. Aujourd’hui, personne n’a à gagner à ce qu’il y ait un conflit économique et commercial. Nous, les commerçants et producteurs, avons besoin de visibilité, et pour cela, il faut des accords commerciaux et un terrain de jeu favorable sur un temps long.
Cette nouvelle est-elle une menace sérieuse pour un marché déjà fragilisé ?
Cette crise vient alourdir un autre sujet, qui est celui de la diminution de la consommation de vin à travers le monde, notamment avec nos marchés historiques, dont la France. Il y a deux solutions : soit on se replie nous-mêmes et on fait du catastrophisme, soit on se dit que c’est le moment de réfléchir à de nouvelles opportunités. Je pense qu’il y a encore beaucoup de pays qui sont en balbutiement en matière de consommation du vin. C’est le cas de l’Asie du Sud-Est, de l’Amérique du Sud. Ce qu’il se passe aujourd’hui avec le sujet américain montre la nécessité de ne pas se concentrer juste sur quelques pays. On ne doit pas se contenter de commenter. Cette crise doit nous questionner sur la résilience de la filière et sur l’approvisionnement de nos produits à travers le monde.
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Aujourd’hui, on n’a pas de solution précise. On ne peut pas se retourner en un mois de temps. Créer une relation commerciale avec des importateurs, des distributeurs, fidéliser les clients, cela prend plusieurs années. Ce n’est pas une production industrielle en flux tendu. Je vais parler d’une filière que je connais bien, le champagne, mais ça vaut pour tous les produits. On a établi notre commerce autour de 140 pays aujourd’hui. En clair, on vendait 27 millions de bouteilles aux Etats-Unis ; on ne peut pas passer de 27 à 12 millions et se dire que l’on va développer ailleurs. On ne peut pas basculer les volumes d’un pays à un autre, parce qu’il n’y a pas forcément de demandes. Les clients japonais ne vont pas se mettre à boire le double de ce qu’ils buvaient auparavant. On appelle donc à la désescalade, à l’apaisement et à une réponse collective et européenne. Il faut maintenant refroidir la machine pour que l’on retourne vite à notre métier qui est de produire et de vendre des bouteilles.