Pas de baisses d’impôts, une volonté de verdir l’économie, et pas grand-chose pour le pouvoir d’achat. Avec la présentation ce mercredi 27 septembre de son projet de budget pour l’an prochain, l’ambiance au gouvernement est à la prudence. La prévision de croissance pour 2024 a été revue à la baisse, à 1,4 % au lieu des 1,6 % initialement prévus, afin de «tenir compte des incertitudes internationales». D’autant que les seuls intérêts de la dette – qui a dépassé les 3 000 milliards d’euros au premier trimestre 2023 – bondiraient de 9,5 milliards d’euros à 48,1 milliards l’an prochain. L’Agence France Trésor a d’ailleurs annoncé ce mercredi matin que l’Etat français comptait lever 285 milliards d’euros de dette sur les marchés financiers en 2024, un record après 270 milliards d’euros en 2023. Alors entre rigueur et dépense, le gouvernement a fait des arbitrages.
A lire aussi
Recul, prudence et fin des aides
Face à des perspectives en demi-teinte et pour que le déficit public soit réduit, le gouvernement rétropédale sur certains engagements. Promise pour 2024, la suppression totale de la CVAE – un impôt de production sur la valeur ajoutée des entreprises – s’étalera désormais sur plusieurs années, pour être effective en 2027 au plus tard. Elle baissera tout de même d’un milliard cette année. Les ménages, eux, attendront 2025 pour voir la couleur de la baisse d’impôt de 2 milliards d’euros annoncée par Emmanuel Macron en mai.
Plus généralement, Bercy veut faire des économies en mettant fin aux dispositifs prévus pour faire face aux crises, la pandémie puis l’inflation. C’est l’épilogue de certaines aides exceptionnelles liées à l’inflation. De quoi faire 16 milliards d’économies, dont 10 liés à la diminution du bouclier tarifaire sur l’énergie et 4,5 liés à la fin d’aides exceptionnelles aux entreprises. Le tout, sans baisse du nombre de fonctionnaires et avec des recrutements prévus dans la justice ainsi que la police.
«Bruno demande»… l’économie verte
Il demande, il incite, il souhaite, et maintenant il espère que la France «devienne la première économie verte à horizon 2040 en Europe». Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire pourra compter sur 10 milliards d’euros engagés par l’Etat en faveur de la transition écologique dans le budget, dont 7 seront dépensés en 2024. Les moyens alloués à MaPrimeRénov’pour la rénovation écologique des logements augmenteront de 1,6 milliard d’euros.
Analyse
En outre, 500 millions d’euros de crédits d’impôt seront distribués aux entreprises de l’éolien, du photovoltaïque et des pompes à chaleur. Quant au «bonus écologique» à l’achat de voitures électriques, il sera maintenu mais dépendra en 2024 de leur «score environnemental», notamment de leur distance d’acheminement, aux dépens sans doute des véhicules chinois.
Au passage, les effectifs des du ministère de la Transition écologique augmentent de 732 emplois en 2024, au lieu de 45 en 2023. Plus largement, le nombre d’agents de l’Etat et de ses opérateurs, en équivalent temps plein (ETP), va augmenter de 8 273 au total, dont 2 681 pour le ministère de l’Intérieur, et 1 961 pour celui de la Justice.
Ces mesures pour la transition écologique seront principalement financées par la contribution des collectivités territoriales, qui représentent «70 % de l’investissement public», soit «près de 15 milliards d’euros», selon le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave.
Le combat contre les «niches brunes»
L’Etat a décidé de s’attaquer aux «niches brunes», ces niches fiscales carbonées avantageuses encourageant l’usage des énergies fossiles – charbon, gaz, etc. Parmi elles, l’avantage sur le gazole non routier (GNR) disparaîtra progressivement d’ici à 2030, pour deux secteurs, l’agriculture et les travaux publics.
Selon Bercy, l’argent ainsi économisé, 70 millions d’euros pour le premier secteur et 110 pour le second en 2024, ira entièrement «au verdissement de l’économie» et à des compensations.
Décryptage
De plus, le gouvernement promet de mettre à contribution les aéroports et les autoroutes. La nouvelle taxe rapportera 600 millions d’euros, et se déclenchera en fonction de critères de rentabilité et de chiffre d’affaires.
Autre angle d’attaque de l’exécutif : les marges imposantes des sociétés de raffinage et des énergéticiens, en réservant un accueil favorable aux futurs amendements des parlementaires sur ces sujets. Cependant, il ne touchera pas aux avantages fiscaux sur les carburants des transports routiers, pour cause de «compétitivité européenne».
Pour les ménages, de l’inflation et des économies sur la santé
Si 2024 doit signer l’arrêt de la plupart des aides exceptionnelles, ainsi que du bouclier tarifaire sur le gaz, ce ne sera pas le cas pour le bouclier tarifaire sur l’électricité. Celui-ci devrait être maintenu jusqu’à fin 2024, du fait de l’inflation, avec 12,2 milliards d’euros budgétés pour l’an prochain.
Tribune
A été également ajoutée à la dernière minute la reconduction de l’indemnité carburant travailleurs de 100 euros. Annoncée dimanche soir par le chef de l’Etat à la télévision, elle représente une dépense de 430 millions d’euros si le nombre de personnes à la demander ne varie pas par rapport à l’an dernier.
Par ailleurs, les prestations sociales, les retraites et le barème de l’impôt sur le revenu devraient être indexés sur l’inflation (mais pas les salaires). Un coût pour l’Etat estimé à 25 milliards d’euros.
Consultations et «en même temps» menace du 49.3
Face à une Nupes unie (pour une fois) - notamment sur la question de la lutte contre la fraude fiscale -, et vu l’état des relations avec LR, l’exécutif admet qu’il devra très probablement recourir au 49.3 pour faire adopter le budget à l’Assemblée nationale, sans majorité absolue et sans accord en vue avec la droite.
En guise de galop d’essai, il pourrait d’ailleurs déclencher un 49.3 dès ce mercredi, sur le projet de loi de programmation 2023-2027, fixant la trajectoire budgétaire jusqu’à la fin du quinquennat.
Le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave a néanmoins relancé les «dialogues de Bercy», des réunions où il reçoit régulièrement les parlementaires de tous bords pour tenter de dégager des points de consensus. Reste qu’en présentant le projet de loi de finances devant la presse, Bruno Le Maire a fustigé «des oppositions [qui] ne font que proposer des dépenses supplémentaires, en particulier sur le carburant». Selon le ministre de l’Economie, «la majorité doit faire preuve d’un esprit de responsabilité pour 10.»
Mise à jour : mercredi 27 septembre, à 12 h 01, avec davantage de précisions après la présentation du projet de loi de finances.