«Carthago delenda est». Le novice pourrait croire que Mark Zuckerberg s’est pris d’un intérêt soudain pour les guerres puniques, en particulier la troisième 200 ans avant JC, celle qui vit la cité de Carthage être réduite en cendres par les troupes romaines et sa population réduite en esclavage. Via plusieurs publications publiées mercredi 15 mai sur ses réseaux sociaux, le fondateur de Facebook et milliardaire américain Mark Zuckerberg a célébré en fanfare son quarantième anniversaire.
Une série de photos le présente tantôt dans l’appartement de son enfance face à un vieux PC, tantôt dans sa chambre du campus de l’université de Harvard, là où il a conceptualisé et créé le réseau social Facebook en 2004. En compagnie de Bill Gates, avec des amis ou sa famille, «Zuck» distribue les sourires, chaîne en or autour du cou et t-shirt noir oversize, sans doute en mémoire de ses jeunes années estudiantines. Mais la pièce de textile est frappée d’un intriguant message en latin écrit en lettres gothiques.
«Carthago delenda est», pour littéralement «Carthage doit être détruite» en latin, est une devise née dans la Rome antique. Elle serait devenue le mantra du politique romain Caton l’Ancien, qui vouait une haine farouche envers l’empire de Carthage commandé par Hannibal. Elle est aussi devenue l’un des slogans préféré du milliardaire et latiniste américain, qui a également nommé ses enfants August, Aurelia et Maxima. Au-delà de parfaire son nouveau look vestimentaire, il en a fait sa maxime depuis quelques années.
Si certains internautes versant dans le premier degré ont pu y voir une attaque à venir contre la ville située au nord-est de la capitale tunisienne, en appelant même à une réponse du président tunisien Kais Saied, d’autres ont carrément préféré faire le grand saut parmi les thèses nébuleuses. Mais cette phrase illustre en vérité un conflit du net : la bataille farouche qui s’est jouée entre Facebook et Google.
Billet
A l’aube des années 2010, Google, le grand rival de Zuckerberg, met sur pied un nouveau projet : Google +. Ce nouveau réseau social entend à l’époque devenir le leader sur le marché. De quoi inquiéter le jeune Zuckerberg qui y voit un grand péril pour l’hégémonie de son Facebook. L’occasion pour lui, selon un article de Business Insider, de déclarer une «guerre» contre son adversaire numérique, en empereur romain de la Silicon Valley s’opposant à l’invasion barbare.
Des banderoles et des posters «Carthago Delenda Est» auraient été placardés un peu partout dans les locaux de la firme à Mountain View, en Californie. Selon Antonio Garcia Martinez, un ancien employé de Facebook cité par le média américain, le boss Zuckerberg aurait aussi harangué ses salariés pour les entraîner dans sa course à la performance, façon centurion en campagne : «Vous savez, l’un de mes orateurs romains préférés terminait chaque discours par la phrase «Carthago delenda est. Carthage doit être détruite». Pour une raison ou une autre, j’y pense encore aujourd’hui», aurait lancé l’informaticien devenu milliardaire.
Quelques années plus tard, en 2019, Google enterre son Google +, forcé de constater l’échec de sa nouvelle plateforme qui n’a jamais réussi à s’imposer dans les usages des internautes. La phrase de Caton n’a pas attendu d’être sérigraphiée sur un t-shirt trop grand pour être à la mode. Avant d’être transformée en «punchline» capitaliste sur les pectoraux Marc Zuckerberg en signe de victoire sur son rival, elle est l’adage des historiens et autres aficionados de Pline l’Ancien. Sur internet, le laïus est devenu un mème censé exprimer la fatalité. Ce n’est pas un avis, encore moins une prédiction : Carthage va tomber.