L’affaire est embarrassante. A la fois pour Andy Byron, le PDG de la start-up new-yorkaise Astronomer. Mais aussi pour Internet, qui encore une fois se retrouve à franchir bien des limites… pour quelques soupçons et une poignée de secondes de vidéo.
L’extrait remonte au mercredi 16 juillet. Le groupe Coldplay, en concert à Boston (Etats-Unis), taquine son public avec sa kiss cam. Pour les anti-kitsch, rappelons le principe : si la caméra se pose sur vous et votre moitié, vous êtes censés vous embrasser. Problème : ce soir-là, la réaction d’un couple surprend.
D’abord tendrement enlacés, un homme et une femme se séparent brusquement lorsqu’ils découvrent qu’ils sont filmés. Par réflexe, le premier s’accroupit. La seconde, elle, tourne immédiatement le dos, en plongeant sa tête dans ses mains. «Soit ils ont une liaison, soit ils sont juste très timides», entend-on Chris Martin, le leader de Coldplay, plaisanter.
La boulette est faite : Internet devient fou. Instagram, TikTok, X… Très vite, l’extrait inonde les réseaux sociaux. Des dizaines de millions de likes s’empilent. Et les internautes, reconvertis en détectives, enquêtent : l’homme à l’écran est le chef de l’entreprise Astronomer. Il s’appelle Andy Byron. Et la femme dans ses bras n’est pas son épouse. C’est une collègue.
«Tu n’as pas honte ?»
Le PDG est-il en train de divorcer ? Est-il en couple libre ? Ou polyamoureux ? Entretient-il vraiment une relation avec son employée ? Au fond, de la vie intime d’Andy Byron, la foule du cyberespace ne sait pas grand-chose. Tirant rapidement ses propres conclusions, elle dégaine sa lame vengeresse sans hésiter. En vingt-quatre heures, souligne Business Insider, le nom de «Byron» est recherché plus de deux millions de fois sur Google.
«Tu n’as pas honte de détruire un mariage ?», «le caméraman mérite une augmentation»… Féroces et grinçants, les commentaires désobligeants déferlent. Des photos de famille privées du PDG sont republiées. Analysées. Jugées. Moquées. D’autres internautes poussent le vice un cran plus loin : de fausses images des amants supposés sont générées par IA et repartagées en ligne. Le harcèlement est tel que, depuis le début du scandale, Andy Byron et sa collègue ont fini par supprimer leurs profils LinkedIn, a pu constater Libération.
Même chose pour la femme du PDG, qui a également disparu des radars. Et ce quand bien même le public lui est favorable. En ligne, ses comptes Facebook et Instagram se sont évaporés. Jute avant leur disparition, l’épouse aurait supprimé le nom de famille de son mari, rapportent plusieurs médias américains.
Faux communiqué
Le «ColdplayGate» a même fini par entraîner des conséquences économiques. Assaillie de remarques narquoises, la société spécialisée en gestion de données d’entreprises Astronomer a dans un premier temps restreint l’accès à ses commentaires sur X. La start-up a même dû démentir auprès de TMZ l’authenticité d’un communiqué qui, en ligne, déclenchait une nouvelle cavalcade de réactions numériques. Un texte signé par le PDG… complètement faux.
«Ce qui devait être une soirée joyeuse s’est transformé en une erreur personnelle profonde», écrit le faussaire, tout en prétendant présenter ses excuses à sa famille et ses collègues. «Vous méritez mieux de ma part, en tant que partenaire, père et dirigeant. Ce n’est pas l’image que je veux donner ni l’homme que je souhaite être», poursuit-il. Comble de l’ironie, la déclaration truquée s’achève sur des paroles d’une musique de Coldplay. Son titre : Fix you. «Te réparer», en français.
CheckNews
Sur le site de paris Polymarket, comme le repère Business Insider, plus de 35 000 dollars avaient aussi été misés pour prédire les chances d’Andy Byron de rester PDG. Ceux qui auront parié sur sa chute ne se seront pas trompés : Astronomer − start-up fraîchement valorisée à 775 millions de dollars après une levée de fonds en mai − a fini par annoncer samedi 19 juillet dans la soirée qu’Andy Byron avait présenté sa démission et que le conseil d’administration l’avait acceptée.
Coup de com
Plus de dix jours après le badbuzz, la société – qui restait jusqu’ici plutôt discrète – a opéré un coup de com pour le moins original. Et diablement efficace. L’entreprise a embauché l’actrice américaine Gwyneth Paltrow en tant que «porte-parole temporaire» pour une vidéo promotionnelle. Le casting est loin d’être anodin : il s’agit de l’ex de Chris Martin, le chanter de Coldplay.
«Astronomer a reçu beaucoup de questions ces derniers jours et ils voulaient que je réponde aux plus récurrentes», éclaire la star. S’ensuivent des questions tronquées – portant essentiellement sur le scandale – auxquelles l’actrice de Seven... ne répond pas. A la place, elle recentre le propos sur les activités d’Astronomer. Le résultat, comique, fait l’unanimité sur les réseaux sociaux. Ce qui illustre, mieux que jamais, le célèbre adage du monde des affaires : il n’existe pas de mauvaise publicité.
Mise à jour le dimanche 27 juillet avec la vidéo promotionnelle de Gwyneth Paltrow.