Légaliser pour mieux interdire derrière. C’est ainsi qu’il faudrait comprendre le projet de décret du gouvernement prévoyant de définir un cadre juridique pour les dark stores, ces magasins sans client d’où partent, via des applis, les livraisons de courses en moins de dix minutes. Une manière de les sortir du flou qui les entoure actuellement, et de les légaliser de facto. Après une fronde d’élus locaux craignant de voir ces entrepôts à l’origine de nuisances proliférer grâce à ce décret, le ministre de la Ville Olivier Klein a joué l’apaisement ce jeudi matin sur RTL. Selon le ministre, le projet de décret en question ne serait encore que «dans une phase de concertation».
Celui qui est aussi maire de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) laisse donc entendre que le sort de ces dark stores sera fixé de manière collégiale. Y compris avec les élus locaux donc. Au lendemain de la divulgation sur Twitter du projet de décret par Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris, Olivier Klein avait répondu que «les remarques de la ville de Paris et des municipalités étaient les bienvenues» sur ce texte.
Oui, il faut réguler les #darkstores et trouver l’équilibre entre vitalité des centres-villes et emploi. C’est tout l’objet de ce projet!
— Olivier Klein (@OlivierKlein93) August 14, 2022
Ce texte est en concertation depuis juillet. Les remarques de @Paris et des municipalités sont les bienvenues. Et pas seulement sur Twitter… https://t.co/l81gHmlkAX
Le ministre de la Ville ne semble d’ailleurs guère favorable à ces structures de «quick commerce». «Le statu quo n’est pas possible. On ne peut pas accepter aujourd’hui dans nos cœurs de ville ces magasins fermés, avec des dizaines de scooter devant qui font du bruit et qui gênent», regrette-t-il ce jeudi matin sur RTL. Pour Olivier Klein, il convient de «donner aux maires la possibilité d’interdire ou non un dark store dans un quartier». Un maire «pourra utiliser son pouvoir et son Plan local d’urbanisme (PLU)» pour interdire ces points relais dans certains quartiers de sa commune. Le ministre semble donc prendre une position similaire à celle d’élus locaux d’opposition.
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Mais pour permettre une telle régulation de ces «magasins fantômes», il faudrait définir un cadre légal précis, fait-on valoir à Bercy. «Juridiquement, les dark stores sont des entrepôts. Actuellement pour les proscrire, il faudrait interdire tous les entrepôts. Il faut donc parvenir à définir, pour les qualifier, leur donner une réglementation appropriée. Une fois cette situation complexe définie juridiquement, on pourra donner aux élus les moyens d’action pour qu’ils puissent réglementer leur implantation».
Il n’empêche que le projet de décret initial, sur lequel le gouvernement s’était bien gardé de communiquer depuis le début des travaux en juillet, peut interroger. Celui-ci prévoit une modification du code de l’urbanisme. Et stipule que les «points permanents de retrait par la clientèle d’achats au détail commandés par voie télématique» se verraient attribuer la sous-destination «commerce de détail». Un tel changement juridique permettrait donc aux dark stores d’être considérés comme des commerces à part entière et d’entrer dans la légalité, à condition qu’ils ouvrent un point de collecte.
C’est donc un casse-tête urbanistique pour les législateurs. Et économique pour les entreprises concernées. Leur modèle, qui repose sur la rapidité de leurs courses et les faibles marges qu’elles en dégagent, est déjà fragile. Il est particulièrement compliqué pour elles d’atteindre la rentabilité. Si elles étaient contraintes d’ouvrir des points de collecte dans leurs dark stores, cela risquerait de ralentir le rythme des courses. Olivier Klein leur suggère une autre option sur RTL : «Peut-être que les autoriser ailleurs que dans les centres-villes, au fin fond d’une zone industrielle où ça ne gêne personne, ce n’est pas une mauvaise idée». Il ne s’agirait plus alors de dark stores, puisque le propre de ces lieux est d’être au cœur des métropoles pour pouvoir servir les citadins adeptes de ces applications de livraison en moins de 10 minutes. Livraisons express qu’ils ne pourraient donc probablement plus effectuer. Ce qui signerait, peut-être, la fin de ce modèle de quick commerce.
Mis à jour à 20 h 30 et enrichi, notamment avec la position de Bercy.