Elon Musk franchit à demi-mot une nouvelle étape dans sa guéguerre contre la presse traditionnelle. Depuis mardi 4 octobre, les liens et articles de presse partagés sur Twitter (renommé X) apparaissent désormais sous la forme d’une simple image, sans titre ni description. Le milliardaire s’est justifié de ce choix pour des raisons prétendument «esthétiques» sur sa plateforme.
Le changement d’interface, généralisé entre le 3 et le 4 octobre, avait été repéré par certains médias lors d’une phase de test à la mi-août. La modification est déjà visible sur ordinateur et sur l’application selon le téléphone et la version de X installée. Elon Musk s’expliquait via un tweet : «Cela vient directement de moi. L’esthétique s’en trouvera grandement améliorée.» Dans le même temps, Musk ne cache pas sa volonté de voir son réseau social davantage retenir les internautes, en invilibilisant les liens et en poussant les producteurs de contenus à s’épancher directement sur Twitter.
This is coming from me directly. Will greatly improve the esthetics.
— Elon Musk (@elonmusk) August 22, 2023
Désormais, lorsqu’un utilisateur partage un article de presse, seul le nom du média qui l’a publié apparaît encore dans le coin inférieur gauche de l’image d’illustration. Un clic permet d’accéder au contenu. Ce nouveau format ressemble beaucoup à un simple partage d’image, ce qui semble rendre la distinction assez confuse, et réduit en l’état la lisibilité de ce genre de contenus. Les médias commencent déjà à s’adapter à ce nouveau format, en partageant par exemple directement un lien menant à leur article dans le corps du texte, avec une simple photo d’illustration.
Derrière l’esthétique, le stratégique
Depuis son rachat l’an passé, l’esthète d’un jour multiplie les initiatives pour rendre son entreprise viable économiquement. Avec cette nouvelle initiative, Musk tente surtout d’enrayer la chute des revenus publicitaires de son réseau social. Il espère ainsi maintenir ses utilisateurs sur sa propre plateforme pour augmenter ses revenus au détriment de la lisibilité des liens externes qui mèneraient les utilisateurs hors des frontières de Twitter.
L’homme d’affaires est par ailleurs bien connu pour ses positions hostiles aux médias. Plusieurs ont même annoncé quitter la plateforme depuis son rachat du réseau social et décrié les mesures mises en place depuis son arrivée. Le milliardaire a récidivé le 3 octobre en affirmant ne plus lire la presse traditionnelle : «A quoi bon lire 1 000 mots à propos de quelque chose qui a déjà été posté sur X il y a plusieurs jours ?»
Audacieux, quand son réseau a encore été épinglé à deux reprises fin septembre pour désinformation. Une première fois par une coalition d’ONG, Action climatique contre la désinformation (Climate Action Against Disinformation), qui classait X pire réseau social sur la désinformation climatique. La seconde par l’Union européenne pour sa désinformation tout court, quand X affichait «le taux le plus élevé de fausses informations et de désinformation dans ses publications». La plateforme annonçait également fin mai quitter le code de bonnes pratiques contre la désinformation cet été.
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La relation houleuse de Musk avec les médias – à des fins économiques, mais pas que - ne s’arrête pas là. Cet été, Twitter a ainsi été assigné devant la justice française par l’Agence France Presse (AFP) pour des questions de droit voisin. Ce droit, étendu aux plateformes numériques en 2019 par une directive européenne, permet aux journaux, magazines et agences de presse de se faire rémunérer lorsque leurs contenus sont réutilisés par les grandes plateformes numériques sur internet.
Dans un communiqué, l’Agence France-Presse regrettait «le refus manifeste de Twitter […] d’entrer en discussion pour mettre en œuvre le droit voisin de la presse». Pas sûr dans ce contexte que le nouveau choix «esthétique» de Musk marque le début d’un apaisement entre lui et les médias.