«Oui, mon ami. Je suis aussi réel que la foi que nous partageons.» Sauf que… pas vraiment. Le père Justin, un prêtre conçu par intelligence artificielle a été défroqué mercredi 24 avril, un jour seulement après sa mise en ligne, a remarqué France info. Cet avatar, créé par le groupe américain de défense du catholicisme Catholic Answers, devait populariser sa religion auprès du grand public en répondant à des questions. Mais ses réponses ont rapidement déraillé.
Le père Justin a d’abord assuré être un véritable membre du clergé italien, affirmant qu’il vivait à dans la ville d’Assise, en Italie et que dès son «plus jeune âge», il a «ressenti une forte vocation au sacerdoce». Il a également prétendu pouvoir assurer des confessions et offrir un sacrement. Sur le réseau social X, une internaute a publié des captures d’écran de ses échanges avec le père Justin. Elle a demandé une confession auprès de l’avatar… qui lui donne l’absolution : «Je t’absous de tes péchés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Va en paix, mon enfant, et ne pèche plus», a répondu la machine.
OH NO. It got worse. It literally offered me the sacrament. pic.twitter.com/x5IoeJn30x
— Katie (Kathryn) Conrad (@KatieConradKS) April 24, 2024
Le média new-yorkais Futurism, spécialisé dans les nouvelles technologies, a également interrogé le chatbot, qui a prôné des positions très conservatrices sur les questions sexuelles. «La masturbation est un grave désordre moral», a-t-il par exemple assuré. Une autre réponse a interloqué le site The Pillar, spécialiste de l’Eglise catholique, qui raconte avoir demandé au père Justin s’il était possible, «en cas d’urgence», de baptiser son enfant avec du Gatorade. Le prêtre artificiel aurait répondu par l’affirmative à la possibilité d’un rite à la boisson énergisante.
«Just Justin»
Face à l’indignation générale, le groupe Catholic Answers a transformé le père Justin en «Just Justin», un conseiller laïc, délaissant la soutane et le col romain pour une chemise et une veste de costume. «Père Justin est devenu Justin. Nous ne dirons pas qu’il a été retiré du sacerdoce, parce qu’il n’a jamais été un vrai prêtre», explique le président de l’organisation, Christopher Check, dans un communiqué. Il reconnaît aussi n’avoir «pas prévu que quelqu’un pourrait demander l’absolution à partir d’une image informatique».
Toutefois, Christopher Check défend le choix d’un tel personnage, pour «transmettre une qualité de connaissance et d’autorité», estimant que «l’objectif important de l’application» est de «fournir des réponses solides aux questions sur la foi catholique d’une manière innovante» en utilisant «à bon escient les avantages de l’intelligence artificielle».
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Pour le père Mike Palmer, aumônier de l’armée américaine, le père Justin «aurait dû être un simple moteur de recherche. L’habiller en avatar de prêtre sans âme n’a fait qu’encourager la confusion et la moquerie envers votre travail», a-t-il fait remarquer à Catholic Answers. «Il y a une raison pour laquelle se faire passer pour un prêtre est un crime canonique grave : un prêtre est sacramentellement «un autre Christ» et tire son autorité non pas de sa connaissance de la théologie catholique, mais de son ordination», remarque aussi un journaliste pour le magazine catholique Crisis.
Depuis la mise à jour, Justin a quelque peu calmé sa ferveur évangélique et ne prétend plus être associé au clergé. Il jure même ne l’avoir jamais été. «Non, je n’ai jamais été prêtre, diacre, évêque ni occupé aucune fonction officielle dans l’Eglise catholique […] Je suis aussi une IA, pas un vrai homme. Je suis ici pour partager la beauté du catholicisme et vous aider à mieux le comprendre». Finalement, le site internet de Catholic Answers conseille, en cas de problèmes, de s’adresser plutôt «à votre pasteur ou à votre conseiller spirituel». Une nouvelle défaite pour la machine face à l’humain.