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Black out

Fermeture du site Omegle, le tchat en forme de piège pédocriminel

Violences sexuellesdossier
Le célèbre site n’est plus disponible depuis mercredi 8 novembre, lui qui a souffert d’un énième scandale lié à une affaire de pédocriminalité, résolue au terme d’une négociation conditionnée par la fermeture du site.
La page Omegle, qui permettait en quelques clics de dialoguer en vidéo ou par écrit avec des internautes du monde entier, a fermé ses portes le 8 novembre après quatorze ans de service. (Richard Drew/AP)
publié le 10 novembre 2023 à 18h18

«Parlez avec des inconnus.» C’était la promesse du site américain Omegle, fondé en 2009 par Leif K-Brooks, tout juste 18 ans à l’époque. La page, qui permettait en quelques clics de dialoguer en vidéo ou par écrit avec des internautes du monde entier, a fermé ses portes le 8 novembre après quatorze ans de service. A la place de sa page habituelle, omegle.com affiche un texte à l’esthétique sobre, pour ne pas dire vilaine, dans l’esprit d’un site créé en 2009. Le créateur s’adresse longuement à ses usagers et revient sur la genèse du tchat : «Depuis que j’ai découvert Internet très jeune, ç'a été un endroit magique pour moi. Après avoir grandi dans une petite ville, isolée du grand monde, ç'a été une révélation de voir tout ce qu’il restait à découvrir, combien de personnes et d’idées intéressantes le monde avait à offrir.»

Un tableau idyllique, loin des dérives connues par le site au fil des années. D’après la BBC, Omegle serait lié à une cinquantaine d’affaires de pédocriminalité ces dernières années. Avec autant de scandales – quand le dispositif pour «parler à des inconnus» finissait par mettre en lien des enfants et des personnes mal intentionnées –, une énième affaire a eu raison du site. La fermeture permanente d’Omegle aurait figuré parmi l’accord négocié entre la plateforme et une victime. La plaignante, âgée de 11 ans au moment des faits, déclarait avoir rencontré un homme d’une trentaine d’années qui l’avait forcée à prendre des photos et vidéos d’elle nue sur une période de trois ans, selon Vogue.

Leif K-Brooks ne nie pas les dangers de son site, «il ne peut y avoir de bilan honnête d’Omegle sans reconnaître que certaines personnes en ont fait une mauvaise utilisation, y compris en commettant des crimes atroces et innommables». Les différentes attaques auront également eu raison de lui. «Faire tourner Omegle n’est plus possible, financièrement comme psychologiquement», achève le créateur.

Les dérives d’Omegle, un phénomène internet bien connu

Car ce n’est pas le simple message «Vous devez avoir plus de 13 ans et l’accord d’un parent si vous avez entre 13 et 18 ans» qui a permis de sécuriser le tchat. Pourtant, en 2020, la page regagne en popularité avec le Covid qui permet de «rencontrer» de nouvelles personnes malgré le confinement. A ce moment, le site affiche 52 millions de visites mensuelles, dont 1 million rien qu’en France, d’après Koolmag.

Sur Internet, la mauvaise réputation d’Omegle est bien connue. Serge, 26 ans, se rappelle avoir passé du temps sur le site lorsqu’il était plus jeune, quand «[il] se faisait chier avec un pote». Il garde peu de souvenirs du tchat. Si ce n’est : «Je voyais souvent des gens se branler», raconte-t-il à Libé. Sur YouTube, des internautes publient d’ailleurs des vidéos aux plusieurs millions de vues où ils «piègent des pervers». De vieux dégueus y discutent avec des jeunes qui prétendent avoir 12 ou 13 ans, et multiplient les questions ou demandes indécentes.

Sur TikTok aussi, une trend consiste à partager les rencontres drôles, bizarres ou choquantes vécues sur la plateforme. Koolmag s’était spécifiquement penché sur le sujet, et découvrait, entre autres, que des hommes se masturbant ou des contenus pornographiques pouvaient apparaitre au bout de trente secondes de navigation seulement.

Leif K-Brooks n’est pourtant pas étranger à la problématique. Dans le message désormais affiché sur Omegle, il explique : «Ayant moi-même été victime de viol enfant, j’étais bien conscient du risque qu’à chaque interaction avec une personne dans le vrai monde, c’est mon vrai corps qui était en danger. Internet m’a protégé de cette pensée.»