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Remue-méninges

Grâce à un implant cérébral, un homme atteint de la maladie de Charcot parvient à contrôler l’assistant virtuel d’Amazon

Intelligence artificielle (IA) : de la fascination à l'inquiétudedossier
Souffrant d’une grave maladie neurodégénérative, un sexagénaire américain a regagné une certaine liberté d’action dans sa maison en pouvant utiliser Alexa par la pensée, d’après un communiqué publié lundi par l’entreprise Synchron, qui fabrique les implants.
Le patient en question, Mark, a été équipé d'un appareil de communication cerveau-machine. (Synchron Inc)
publié le 17 septembre 2024 à 12h09

Mark peut désormais lancer de la musique, passer des appels vidéos ou encore allumer la lumière de son salon par la pensée. Comment ? L’homme de 64 ans, souffrant de sclérose latérale amyotrophique (ALS), ou maladie de Charcot, est doté d’un implant cérébral lui permettant d’utiliser Alexa, l’assistant virtuel d’Amazon. Dans un communiqué paru lundi 16 septembre, ce sexagénaire vivant en Pennsylvanie se réjouit : «Etre en mesure de maîtriser des aspects importants de mon environnement et de contrôler l’accès à du divertissement me rend l’indépendance que j’ai perdue».

Dans le détail, Synchron, l’entreprise new-yorkaise à l’origine de l’implant, explique que Mark – qui ne souhaite pas révéler son nom de famille – peut contrôler par la pensée la domotique intelligente d’Alexa par l’intermédiaire d’une fonctionnalité de sa tablette Fire (Amazon). Elle ajoute qu’il a pu sélectionner des options préprogrammées telles que passer des appels vidéo, lancer de la musique, lire des livres sur Kindle (liseuse d’Amazon) et même faire des achats sur le site du géant du commerce. «Sans utiliser ses mains, ni sa voix», insiste la start-up. Et tout cela grâce à son «BCI», comprendre son brain-computer interface ou appareil de communication cerveau-machine.

Avec ses airs de mini-cotte de mailles, l’appareil – parsemé d’électrodes – récolte les signaux neuronaux du cerveau du Mark. Sans y être directement implanté. En effet, il est inséré dans un vaisseau sanguin à la surface du cortex moteur, une région contrôlant les mouvements du corps. Surtout, il y est placé en passant par la veine jugulaire à la base du cou… Autrement dit : aucune opération «à cerveau ouvert» n’est nécessaire pour l’installer.

De quoi accorder à Synchron une place de choix dans la course à l’implant cérébral. D’autant plus que l’entreprise bénéficie de soutiens de poids : le cofondateur de Microsoft, Bill Gates, ainsi que le créateur d’Amazon, Jeff Bezos. Tous les deux ont participé à la levée de fonds de 75 millions de dollars de la boîte en 2022. En faisant d’office un sérieux rival pour Neuralink, la société du milliardaire Elon Musk.

Mark vs Musk

La start-up du patron de Tesla s’est illustrée en janvier après avoir posé son premier implant cérébral sur un patient, Noland Arbaugh, 29 ans, tétraplégique depuis un accident de plongée. Deux mois plus tard, elle diffusait une vidéo montrant le jeune homme jouer aux échecs en ligne par la pensée. Toutefois, la réputation de l’entreprise, déjà accusée par des associations de maltraiter ses singes cobayes, avait pâti d’un incident qu’elle avait omis de mentionner : après l’opération, certains fils garnis d’électrodes s’étaient rétractés dans le cerveau de Noland Arbaugh. Un problème qui aurait depuis été réparé.

Qu’il s’agisse de Synchron ou de Neuralink, pour l’heure aucune société n’a obtenu l’autorisation de commercialiser ses implants. Ce qui n’empêche pas la première de connecter Mark à tout un tas de technologies, si l’on en croit sa chaîne YouTube. Avant Alexa, l’entreprise a ainsi déjà utilisé son appareil pour permettre au patient d’utiliser le casque de réalité mixte Apple Vision Pro, l’aidant ainsi à jouer au Solitaire ou à accéder à l’Apple TV. Auparavant, l’implant a aussi permis au sexagénaire de Pennsylvanie d’avoir recours à la technologie du robot conversationnel ChatGPT, et ainsi de l’assister dans la rédaction de certains messages.

D’après The Wired, la technologie de Synchron est pour l’heure déjà connectée à dix cerveaux humains : six aux Etats-Unis et quatre en Australie. La société prévoirait de lancer prochainement un essai clinique plus vaste. Avec davantage de patients.