«Il faut continuer à avoir du génie et ne pas penser qu’à son portefeuille.» Entre deux immeubles de Montreuil (Seine-Saint-Denis) où se nichent une partie des locaux d’Ubisoft, des salariés en grève sont interpellés par une passante à la voix traînante, qui tacle le géant du jeu vidéo. Le petit groupe de grévistes approuve, lui qui reproche justement à leur entreprise des profits importants, au détriment de «salaires dignes». «Il n’y a pas que les projets et les objectifs qui comptent, il y a la passion», poursuit-elle. L’intervention fait moins l’unanimité. «Pas que…» ironise l’élu CFE-CGC qui s’adressait alors aux dizaines de personnes autour de lui.
Quand on leur parle de «métier passion», certains tiquent. «L’expression est un peu malheureuse», note Marc, délégué syndical Solidaires informatique : «On ne paie pas ses factures avec la passion.» Mais pour ce game designer (concepteur de jeu), le problème va bien plus loin que le seul secteur du jeu vidéo : «Le capitalisme est structuré de manière à exploiter les employés. Si les employés sont passionnés, il sera structuré pour exploiter la passion de ses employés.» Passionnés, ils n’en restent pas moins essentiels à faire tourner la chaîne de production : «Il faut bien qu’Ubisoft comprenne que si on ve