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Désinformation

Guerre Hamas-Israël : l’UE menace les réseaux sociaux de sanctions pour diffusion de «contenus illégaux»

La Commission européenne a menacé le réseau social X (ex-Twitter), puis Meta ce mercredi 10 octobre, de sanctions, les sommant de rendre des comptes sous 24 heures sur la circulation de fausses informations et d’images violentes liées au conflit en Israël.

Elon Musk, le patron de X (ex-Twitter). (Nathan Howard/AFP)
Publié le 11/10/2023 à 16h20

D’un côté, des réseaux sociaux qui charbonnent au sensationnalisme et à l’immédiateté, de l’autre, une guerre Hamas-Israël qui, à l’instar d’autres conflits, se joue en partie sur la communication. C’est le cocktail inflammable que la Commission européenne tente de circonscrire, en menaçant d’abord Twitter (renommé X) mardi, puis Meta ce mercredi 10 octobre, de sanctions pour diffusion de contenus illégaux. Les plateformes ont été sommées de rendre des comptes dans les 24 heures suivant leur mise en garde respective sur la circulation de fausses informations et d’images violentes dans ce contexte.

Si Meta comme Twitter sont concernés par le devoir de trier les contenus avérés faux, ce dernier réseau apparaît comme le cancre en la matière. Effectifs de modérateurs revus à la baisse depuis le rachat par Elon Musk l’an passé, titre de pire réseau en termes de désinformation sur le climat décerné par une coalition d’ONG et épinglage par l’UE pour son taux de désinformation tout court, X a tout pour inquiéter en temps de guerre. C’est dans ce contexte que le commissaire européen au numérique, Thierry Breton, s’est fendu – sur le réseau social – d’un courrier direct à Musk.

«Cher [Elon] Musk, à la suite des attaques terroristes perpétrées par le Hamas contre Israël, nous avons des éléments indiquant que votre plateforme est utilisée pour disséminer des contenus illégaux et de la désinformation au sein de l’UE.» Le dirigeant a ensuite rappelé la nouvelle régulation européenne et les «obligations très précises» dictées par le Digital Services Act (DSA) pour protéger les internautes. Toujours dans cette lettre, il est demandé instamment à Elon Musk de proposer une réponse «rapide, complète et précise à cette requête dans les prochaines 24 heures».

Publiée une heure et demie après, la réponse du patron américain aura au moins eu le mérite de remplir le premier critère. «Notre politique est que tout soit open source et transparent, une approche que je sais soutenue par l’UE. Veuillez lister les violations auxquelles vous faites allusion sur X, afin que le public puisse les voir», a publié Elon Musk, signant d’un français «merci beaucoup». «A vous de démontrer que vous joignez le geste à la parole», a à son tour répondu Thierry Breton, toujours via X.

X assure avoir opéré des modifications après l’attaque du Hamas

Plus tôt dans la journée, X avait tout de même communiqué, via son compte «Safety» (qui traite des détails sur son fonctionnement), sur les récentes modifications opérées après l’attaque du Hamas. La publication fait notamment mention de nouvelles «politiques d’intérêt public». Le site aurait également mis à jour ses politiques sur les entités violentes et haineuses pour lutter contre la diffusion de contenus terroristes et la création de nouveaux comptes affiliés au Hamas. Des actions auraient aussi été menées pour surveiller les contenus antisémites et la désinformation. Enfin, Twitter mise sur les notes, outil censé contextualiser les messages à l’aide de la communauté.

On constate pourtant encore les dégâts en naviguant quelques minutes sur le réseau social. Vidéos humiliantes d’otages, corps décapités, assassinats filmés… Si les contenus choquants peuvent être cachés dans les options de confidentialité et sécurité de Twitter dans l’onglet «Contenu que vous voyez», la désinformation passe plus facilement dans les mailles du filet. Depuis cinq jours, qu’elle soit intentionnelle ou non, les réseaux sociaux en ont été inondés. Par exemple, l’avocat américano-israélien Marc Zell relayait l’image d’une supposée petite fille juive kidnappée par le Hamas à Gaza, sans la moindre preuve. Et pour cause, la vidéo date de début septembre, bien avant le début de la récente attaque, comme l’a vérifié Libé.

Parfois, la situation est plus complexe, avec un flou persistant autour d’éléments particulièrement sensibles. Dernièrement, ce sont les déclarations sur les «40 bébés tués» par le Hamas au kibboutz de Kfar Aza, lancées par la chaîne i24 et partagées par l’Etat d’Israël sur son compte officiel, qui semaient émotion et indignation en ligne. L’information, lancée par une journaliste sur la base d’une source militaire, n’a pas pu être recoupée depuis, ni infirmée.

Une situation difficile pour les usagers, mais aussi pour les institutions qui avaient pour habitude de communiquer via la plateforme. L’Agence allemande contre la discrimination a annoncé ce mercredi quitter le réseau. En cause : «l’énorme augmentation de la haine envers les transgenres et queer, du racisme, de la misogynie, de l’antisémitisme et d’autres contenus haineux», faisant de X un «environnement qui n’est plus acceptable pour un organisme public» selon l’Antidiskriminierung.

Dans un contexte de guerre informationnelle, la lubie de Musk pour la production d’informations par les utilisateurs de X – censés être moins orientés que les «médias mainstream» – s’avère pour le moins périlleuse. Thierry Breton, de son côté, invitait ce mercredi par un clin d’œil à rejoindre BlueSky, le réseau social concurrent lancé par l’ancien dirigeant de Twitter, Jack Dorsey : «Même si l’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs, le ciel y est parfois plus bleu», a écrit le commissaire européen sur Twitter.