«La première fois qu’on m’a parlé de ce projet, j’ai trouvé ça dingue, inespéré. Un tel projet, non lucratif et à Paris, j’y croyais à peine.» Les bras sereinement croisés sur la poitrine, Patrick Perez se présente en scientifique comblé, très conscient de la chance qui s’offre à lui. Ex-chercheur à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), et jusqu’à récemment vice-président de l’équipementier automobile Valeo, ce crack des maths est le directeur d’un tout nouveau laboratoire privé consacré à l’intelligence artificielle (IA), baptisé Kyutai («sphère», en japonais). Le projet se distingue des autres initiatives qui pullulent dans le domaine par ses moyens financiers. Au démarrage, la structure – logée dans un fonds de dotation et non une société commerciale – bénéficie déjà d’un budget de près de 300 millions d’euros.
Ce financement majuscule est apporté par trois cofondateurs, dont deux milliardaires français, qui s’avancent dans l’affaire avec un discours patriotico-philanthropique : faire résonner la voix de la France dans cette révolution technologique, ne pas laisser le champ libre aux Américains et aux Chinois, etc. Il s’agit de Xavier Niel, créateur de l’opérateur de télécommunications Free (groupe Iliad), à l’origine de l’idée, et de