Un milliardaire toujours plus réactionnaire. Après avoir annoncé vouloir donner 45 millions de dollars par mois pour soutenir Donald Trump, Elon Musk souhaite désormais déménager les sièges de ses sociétés, le réseau social X (ex-Twitter) et l’entreprise aérospatiale SpaceX, hors de Californie. Une décision qui ferait moins de bruit si elle n’était pas justifiée par la promulgation d’une loi sur les élèves transgenres sur le territoire. Les deux entreprises devraient donc déménager au Texas, selon Musk. L’Etat du sud des Etats-Unis, qui a interdit en 2023 l’aide médicale aux ados en transition, semble plus en adéquation avec les idées du magnat.
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La raison de l’ire de l’homme d’affaires ? Une loi, promulguée lundi par le gouverneur californien Gavin Newsom, visant à protéger les droits des élèves transgenres et à lutter contre la discrimination. Elle interdit, entre autres, au personnel scolaire de divulguer à qui que ce soit des informations sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’un élève sans son consentement. Cette interdiction dans le milieu scolaire concerne également les parents de l’élève, au grand dam des républicains, qui accordent énormément d’importance à leur vision traditionnelle des valeurs familiales – et déjà peu portés vers les droits des personnes queer.
Pour Elon Musk, «c’est la goutte de trop». Cette loi californienne, et «beaucoup d’autres qui l’ont précédée attaquent les familles et les entreprises», a pesté sur X le nouveau mécène des républicains. Apparemment adepte de prophéties autoréalisatrices, le dirigeant de Tesla dit avoir «expliqué il y a un an», au gouverneur local, Gavin Newsom, «que ces lois allaient forcer des familles et les entreprises à quitter l’Etat pour protéger leurs enfants».
This is the final straw.
— Elon Musk (@elonmusk) July 16, 2024
Because of this law and the many others that preceded it, attacking both families and companies, SpaceX will now move its HQ from Hawthorne, California, to Starbase, Texas. https://t.co/cpWUDgBWFe
Comme toujours, sur son réseau social, les réactions s’enchaînent par milliers. Que ce soit pour défendre le milliardaire, comme l’a fait l’ex-athlète certes transgenre mais avant tout républicaine Caitlyn Jenner, qui a salué «un geste fort» : «L’Etat n’est pas le parent. Les droits des parents avant tout.» Ou pour lui dire bon débarras : «Elon envoie SpaceX et Twitter au Texas parce que la Californie ne veut pas que les enfants trans soient en danger, assène par exemple un internaute arborant sur son profil un drapeau arc-en-ciel. Tu ne manqueras pas à la Californie.»
Un sujet qui lui est intime
Pour le moment, le siège de SpaceX est basé à Hawthorne, dans le comté de Los Angeles, et celui de X à San Francisco. Le premier devrait être déplacé à Starbase, un complexe industriel de SpaceX situé près de Brownsville, à l’extrême sud-est du Texas, selon Musk. En février, l’homme d’affaires avait déjà changé la domiciliation juridique de SpaceX, la faisant passer du Delaware au Texas. Le siège de X sera réimplanté quant à lui à Austin, où se trouve déjà celui du fabricant de voitures électriques Tesla, autre propriété de Musk qui avait quitté la Californie en 2021. Un déménagement que le milliardaire justifiait déjà, à l’époque, par son mécontentement face aux lois de l’Etat sur les entreprises et à ses mesures contre la pandémie de Covid-19.
Elon Musk, qui multiplie les prises de position réactionnaires depuis son rachat de Twitter en octobre 2022, franchit donc un nouveau cap. Dans la nuit, le dirigeant de X persiste et signe face à la loi sur les jeunes personnes trans, toujours sur sa plateforme : «Le gouverneur de la Californie vient de signer une loi qui va causer une destruction massive des droits parentaux, et expose les enfants à un risque de dommages irréversibles.» Rien que ça.
Si la réaction de Musk est aussi vive, c’est peut-être aussi parce que le sujet lui est intime. L’une des enfants du patron de Tesla, assignée garçon à la naissance, a officiellement changé d’état civil à 18 ans, avant de mettre fin à ses relations avec son père. Elon Musk attribue la transidentité de sa fille à une éducation scolaire qu’il juge trop progressiste. Toujours la même rengaine.
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D’anti démocrate à républicain convaincu
Avant de virer clairement pro-Trump, Elon Musk consacrait déjà une bonne partie de ses prises de parole publiques à accuser les démocrates de favoriser l’immigration clandestine, de vouloir restreindre les libertés individuelles et d’endoctriner la jeunesse. Il relaye aussi régulièrement de nombreuses théories complotistes, entre publications provocantes et blagues de mauvais goût. Mais les posts du quinquagénaire ont pris un tournant résolument pro-républicain depuis la tentative d’assassinat qui a visé Donald Trump samedi. Dans la foulée, Musk a rapidement déclaré son soutien à l’ancien chef d’Etat, avant de multiplier les messages sans équivoques en sa faveur – «le président Trump a besoin de tous nos votes», pour n’en citer qu’un.
En promettant des millions de dollars à l’«America PAC» (pour «comité d’action politique»), le dirigeant de X rejoint d’autres personnalités du secteur technologique dans le soutien aux républicains en vue de la prochaine élection présidentielle. Si ce genre d’entité n’a pas le droit de contribuer directement à la campagne de Donald Trump, elle peut par exemple utiliser l’argent pour inciter des sympathisants républicains à se rendre aux urnes, en ciblant particulièrement les fameux swing states, ces Etats clés des campagnes susceptibles de basculer d’un parti à l’autre. De quoi achever la mue de Musk de troll réactionnaire à artisan de la possible réélection de Trump en novembre.