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La taxe numérique de l’UE, ce ne sera pas pour tout de suite

Bruxelles a annoncé, ce lundi, le gel de son projet de taxe numérique pendant les négociations à l’OCDE sur une réforme de la fiscalité des multinationales. Une décision intervenant après des pressions exercées par Washington contre le projet, jugé «discriminatoire».
La secrétaire au Trésor de Joe Biden, Janet Yellen, a appelé l’UE à reconsidérer son projet de taxe numérique dimanche. (Andreas Solaro/AFP)
publié le 12 juillet 2021 à 17h51

Non à la discrimination ! En tout cas, celle visant les entreprises américaines. Face à la pression des Etats-Unis, l’Union européenne a annoncé ce lundi le gel de son projet de taxe numérique, le temps des négociations à l’OCDE d’une réforme de la fiscalité des multinationales, prévues jusqu’en octobre.

«La réussite de ce processus nécessitera une dernière impulsion de la part de toutes les parties, et la Commission s’est engagée à se concentrer sur cet effort. C’est pourquoi nous avons décidé de mettre en pause notre travail sur une proposition de taxe numérique», a déclaré un porte-parole de la Commission, face aux inquiétudes de Washington. Amazon, Google, Facebook… Tous ces géants de la tech américaine pourraient, selon les Etats-Unis, se retrouver discriminés par le projet.

Dommage. Le projet de taxe numérique européenne aurait pu apporter à Bruxelles une belle ressource pour financer son plan de relance de 750 milliards d’euros. Bien qu’il n’ait pas encore été rendu public, la Commission européenne avait souligné à plusieurs reprises que son projet de taxe numérique serait conforme aux accords de l’OCDE et qu’il toucherait des milliers d’entreprises, y compris européennes.

Un impôt mondial de 15 %

Samedi, les ministres des Finances du G20, réunis à Venise, ont donné leur feu vert à une réforme fiscale des multinationales, mise au point sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La réforme approuvée vise, entre autres, à mettre un terme aux paradis fiscaux.

Ce qui est prévu pour y parvenir : la mise en place d’un impôt mondial d’au moins 15 % sur les profits des plus grandes firmes internationales et une répartition plus équitable des droits à taxer ces entreprises. La réforme a été jugée «révolutionnaire» par les ministres de l’UE, tandis que plusieurs ONG dont Attac et CCFD-Terre Solidaire ont dénoncé un niveau d’imposition trop bas pour combattre efficacement l’optimisation fiscale. Les détails devraient encore être discutés jusqu’en octobre et l’ensemble devrait être mis en place en 2023.

Pour la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, cet accord invite «les pays à accepter de démanteler les taxes numériques existantes que les États-Unis considèrent comme discriminatoires et à s’abstenir d’instaurer des mesures similaires à l’avenir». Elle a appelé, dimanche, l’UE à reconsidérer son projet de taxe numérique. Pour Washington, le projet européen pourrait, enfin, «faire dérailler complètement» les négociations internationales en cours sur la réforme fiscale.

La semaine dernière, le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire, tentait déjà de rassurer : «Il n’y a rien de dirigé contre les Américains et je souhaite que nous puissions lever les inquiétudes américaines là-dessus», avait-il insisté. Le projet européen «n’a rien à voir avec la taxation des géants du digital […] il s’agit de réfléchir à une taxe de toutes les activités digitales […] y compris pour des entreprises de taille moyenne», avait-il alors développé. Sans succès, visiblement.