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La Thaïlande lance un visa spécial de 10 ans réservé aux télétravailleurs touchant au moins 6 500 dollars par mois

Le pays qui a vu sa manne touristique s’affaiblir à cause du Covid cherche à attirer de nouveaux visiteurs encore plus dépensiers : les «nomades numériques». Plusieurs autres pays pourraient lui emboiter le pas.
Les critères d’éligibilité au nouveau visa thaïlandais sont particulièrement sélectifs. (Sukree Sukplang/Reuters)
publié le 12 août 2022 à 19h23

Télétravailler depuis une plage paradisiaque à Phuket. Et se perdre le week-end dans les Full Moon Party sans avoir à assumer sa gueule de bois le lundi au bureau. Peut-être certains salivent à l’idée de mener un tel mode de vie, mais sont contraints administrativement. Qu’ils regagnent espoir : dès septembre, la Thaïlande les accueillera à bras ouverts. Le royaume s’apprête à lancer un nouveau visa de 10 ans taillé sur mesure pour les «nomades numériques», ces télétravailleurs se sentant trop à l’étroit dans leur pays d’origine.

Outre sa durée sans commune mesure, ce laissez-passer présente de nombreux avantages listés par le Conseil d’investissement thaïlandais dans une brochure. Ses futurs titulaires bénéficieront d’un permis de résidence et de travail dans le pays, d’un service «fast track» dans tous ses aéroports internationaux, et surtout d’un impôt sur les revenus n’excédant pas les 17 % (alors qu’il peut atteindre 35 % pour d’autres locaux). Un précieux sésame dont il sera possible de faire la demande dès le 1er septembre. Mais il ne sera pas délivré à n’importe qui…

«Ressources humaines étrangères à fort potentiel et compétences»

Ses critères d’éligibilité sont particulièrement sélectifs. Pour les télétravailleurs, il faudra être en mesure de justifier cinq années d’expérience ainsi qu’un salaire de 80 000 dollars par an les deux dernières années, soit plus de 6 500 dollars par mois. Mais aussi travailler pour une entreprise dont le chiffre d’affaires s’élève à 150 millions de dollars minimum. Narit Therdsteerasukdi, secrétaire général adjoint du Conseil d’investissement thaïlandais assume auprès de Nikkei Asia vouloir attirer «des ressources humaines étrangères à fort potentiel et compétences» avec ce visa. Comprendre, des cadres du secteur de l’automobile, de l’électronique et de la biotech… Le document sera tout de même accessible aux autres travailleurs disposant de plus d’un million de dollars d’actifs. Ou encore les retraités touchant aussi 80 000 dollars par an minimum.

Le lancement de ce visa se veut être une réponse à la crise économique liée au Covid. Alors que le tourisme ne représente pas moins de 11 % du PIB du royaume, les restrictions de voyage liées à la pandémie ont causé de lourdes pertes. En 2019, le pays avait accueilli près de 40 millions de visiteurs. Un record. Mais aujourd’hui cette manne touristique s’est dilapidée. Fin juillet, le ministère thaïlandais des Finances prévoyait que le pays accueillerait 8 millions de touristes cette année.

La Thaïlande est optimiste et mise sur un rebond plus rapide que prévu des voyages internationaux pour retrouver dès l’année prochaine ses dizaines de millions de voyageurs annuels. Mais elle tente tout de même de s’élargir à des visiteurs d’un genre nouveau et encore plus dépensiers avec son visa de 10 ans. Les nomades numériques, ou digital nomads en anglais. Ces personnes alliant voyage à travers le monde et travaillent à distance prolifèrent depuis deux ans et les différentes restrictions liées au Covid, et Bangkok entend bien en profiter.

Des visas pour nomades numériques dans 33 pays

Raj Choudhury, professeur à la Harvard Business School, a étudié ce phénomène qu’il perçoit d’un œil émerveillé. «Les nomades numériques investissent leur temps et leur argent dans l’économie locale, sans prendre d’emplois locaux. Ils établissent même des connexions avec les habitants du pays et leur transmettent leurs savoirs. C’est un gagnant-gagnant pour les télétravailleurs et les communautés locales», écrit le chercheur qui a étudié les visas du genre proposés par 33 différents pays. La plupart de ces laissez-passer offrent des séjours d’un à deux ans. Le plus long au moment de cette étude était déjà celui de la Thaïlande avec une durée de quatre ans.

Avec le lancement de ce nouveau visa, le royaume semble avoir pris la mesure de ses atouts ainsi que du potentiel qu’ils lui confèrent. Un climat idyllique, un coût de la vie moindre, et une bonne connexion Wi-fi à travers tout le territoire. Sur son site Internet, le Conseil d’investissement thaïlandais exhibe fièrement un classement établi par l’entreprise de coworking Instant Offices, ayant désigné Bangkok comme le deuxième meilleur emplacement au monde pour les nomades numériques. Le Portugal, dont la capitale Lisbonne se hisse en première position, a lancé récemment son propre visa pour digital nomads. En France, cela n’est peut-être pas pour tout de suite : Paris émarge à la cinquantième place du classement.