La question est embarrassante : et si on avait fait tout ça pour rien ? Entre le projet de loi pour «sécuriser Internet» en cours d’examen à l’Assemblée nationale, la loi influenceurs adoptée en juin et celle sur la majorité numérique à 15 ans validée en juillet, les parlementaires français ne lésinent pas sur la mise en place de nouvelles législations pour encadrer le numérique dans l’Hexagone. Pépin : un cran au-dessus, à l’échelle européenne, cette prise d’initiative fâche.
Le coup de gueule part d’un courrier du commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton, daté du 14 août et adressé à la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Catherine Colonna. Consultée par l’Informé et évoquée jeudi 5 octobre, la missive lapidaire tacle : «Les mesures notifiées semblent enfreindre l’applicabilité directe du règlement sur les services numériques.» Voire, dans le cadre du texte sur la majorité numérique et la loi influenceurs, carrément le contredire. Pour l’essentiel, l’ancien PDG de France Télécom s’inquiète surtout de l’impact que ces textes pourraient avoir sur la réglementation européenne du Digital Services Act (DSA) et du Digital Markets Act (DMA).
A lire aussi
Tout reprendre à zéro ?
Outre ces inquiétudes, Thierry Breton repère deux autres difficultés soulevées par les initiatives françaises. D’une part, une éventuelle violation du principe du pays d’origine. Selon le commissaire européen, les entreprises du net sont supposées respecter les règles du pays dans lequel elles ont leur siège social. Et non celles des pays où leur service est accessible. D’autre part, les parlementaires n’auraient pas respecté la procédure en publiant trop rapidement les textes épinglés au Journal officiel. Comme l’avaient déjà repéré Politico et Contexte, ces derniers étaient toujours examinés par la Commission européenne et les Etats membres. Or, la France aurait dû attendre trois mois que cet examen se fasse avant de promulguer ses lois.
Dès lors, que faire ? Pour Thierry Breton, aucun doute possible : il s’agit «[d’abroger] les dispositions des lois promulguées». Autrement dit, tout recommencer. Pas franchement de bon augure pour les législateurs bleu blanc rouge qui, depuis trois semaines, planchent sur un projet de loi d’envergure (et controversé) visant à sécuriser l’espace numérique. Rien que ça.