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Géants du numérique

Microsoft, Nvidia, OpenAI… Pourquoi le gouvernement américain va-t-il enquêter sur les géants de l’IA ?

Intelligence artificielle (IA) : de la fascination à l'inquiétudedossier
Les pratiques de Nvidia seront épluchées par le ministère américain de la Justice, tandis que celles de Microsoft et OpenAI seront décortiquées par l’agence nationale de la concurrence (FTC).
Le cours du concepteur de semi-conducteurs Nvidia a grimpé de plus de 200 % au cours de l’année écoulée. .. (Ann Wang/Reuters)
publié le 7 juin 2024 à 14h29
(mis à jour le 7 juin 2024 à 14h29)

Microsoft, Nvidia et OpenAI ont-ils triché pendant la partie ? Le New York Times rapporte jeudi 6 juin que le gouvernement américain s’apprête à ouvrir des enquêtes contre ces géants de l’intelligence artificielle (IA). Si pour l’instant les détails du dossier ne sont pas rendus publics, on connaît au moins l’objectif de la procédure : déterminer si les trois big tech se sont rendues coupables - ou non - de pratiques anticoncurrentielles. Le chantier étant d’ampleur, les investigations ont été réparties entre deux organismes. Le ministère de la Justice devra éplucher les fichiers du concepteur de semi-conducteurs Nvidia. L’Agence américaine de la concurrence (FTC) fouillera, elle, dans l’historique d’OpenAI et de Microsoft.

A l’heure où l’argent est devenu le nerf de l’algo, ces entreprises règnent sur le marché. Entre sommes faramineuses à dépenser en serveurs et puissants processeurs à acquérir, difficile pour les petits de rejoindre la mêlée. OpenAI, pour commencer, s’est façonné une place de choix avec le lancement en fanfare de ChatGPT, en novembre 2022. L’agent conversationnel compte désormais plus de 100 millions d’utilisateurs mensuels actifs et fait office de leader incontesté dans son secteur. Déjà ultrapuissante, la multinationale informatique Microsoft de son côté a investi 13 milliards de dollars dans OpenAI, en possède environ 49 % et a intégré sa technologie dans ses propres produits. Comme dans son moteur de recherche, Bing.

Nvidia, lui, produit des puces, appelées cartes graphiques (GPU), de très loin les plus demandées pour développer l’IA générative. Tant et si bien que la boîte domine son domaine, explique auprès de France24 Raphaël-David Lasseri, expert numérique, docteur en physique nucléaire théorique et fondateur de Magic LEMP : «Nvidia est déjà dans une situation de quasi-monopole dans le secteur de l’IA». Avant de poursuivre : «Dans cette ruée vers l’or, Nvidia vend les pelles et est pour l’instant le seul vendeur crédible de la planète». Face à la ruée vers l’IA, le cours de la société a grimpé de plus de 200 % au cours de l’année écoulée et sa capitalisation boursière a dépassé les 3 000 milliards de dollars pour la première fois mercredi. Contactés par Libération, Microsoft et OpenAI n’ont pas répondu. Un porte-parole de Nvidia a décliné tout commentaire.

Microsoft essaierait de contourner la loi antitrust

Pour l’instant, aucun élément sur le détail des investigations et des éventuels faits reprochés n’a fuité. Toujours est-il que certaines de ces sociétés ont déjà éveillé les soupçons. En janvier, la FTC a ainsi annoncé le lancement d’une enquête sur les investissements de Microsoft, Google et Amazon dans les principales start-up d’intelligence artificielle générative, OpenAI et Anthropic. OpenAI s’est aussi retrouvée dans son viseur avec une enquête entamée en juillet sur les données qu’elle collecte de ses utilisateurs. En France, Nvidia a aussi déjà éveillé la curiosité de l’autorité de la concurrence. En septembre, son siège hexagonal a été perquisitionné. L’opération visant «une entreprise suspectée d’avoir mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des cartes graphiques», expliquait alors l’instance.

Microsoft, enfin, a été accusé d’avancer ses pions sur le terrain de façon à passer sous le radar des régulateurs. Un article du Times rapporte ainsi que la société fondée par Bill Gates aurait structuré sa participation minoritaire de 49 % au sein d’OpenAI de façon à esquiver un contrôle antitrust. D’autres accords conclus par la multinationale avec différentes sociétés de l’IA ont fait sourciller des acteurs du secteur. En guise d’exemple, le New York Times évoque l’accord conclu en mars par Microsoft pour embaucher l’essentiel du personnel d’une start-up nommée Inflection AI. Conséquence : le géant aurait ainsi acquis une licence pour sa technologie. Une acquisition qui d’après le New York Times ne dirait pas son nom et rendrait la tâche des régulateurs un peu plus complexe.