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Justice

Netflix France : perquisition pour blanchiment de fraude fiscale et travail dissimulé

Les locaux de la filiale française du géant du streaming ont été perquisitionnés ce mardi 5 novembre, dans le cadre d’une enquête pour «blanchiment de fraude fiscale aggravée» et de «travail dissimulé en bande organisée».
En 2019, les impôts français tiquent sur les faibles déclarations de la filiale française de la plateforme Netflix. (Beata Zawrzel/NurPhoto.AFP)
publié le 5 novembre 2024 à 12h01
(mis à jour le 5 novembre 2024 à 20h40)

Comme d’autres multinationales avant elle, Netflix France est dans le viseur du Parquet national financier et de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales. Ces deux institutions mènent ce mardi 5 novembre des perquisitions dans les locaux de la filiale française du géant du streaming américain, dans le IXe arrondissement de Paris, selon les informations de l’hebdomadaire Marianne et confirmées par Libération.

Ces investigations ont lieu dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte en novembre 2022 pour «blanchiment de fraude fiscale aggravée» et «travail dissimulé en bande organisée». L’accès aux locaux est encore filtré par les forces de l’ordre.

«Nous coopérons avec les autorités en France, où Netflix contribue de manière significative à l’économie locale, et nous respectons les lois et réglementations fiscales dans tous les pays où nous opérons», a réagi un porte-parole de Netflix France, interrogé par l’AFP.

Optimisation fiscale

Le point de départ de l’enquête est un banal contrôle fiscal, il y a deux ans, retrace Marianne. Comme l’a d’abord révélé le média en ligne La Lettre en 2023, les impôts français ont tiqué sur les faibles déclarations de la filiale française de la plateforme. Avant 2019, le taux de marge de la filiale tricolore était de 2 % quand celle de la maison mère était de 20 % aux États-Unis. Selon La Lettre, Netflix aurait mis en place une «pratique d’optimisation fiscale légale» en «refacturant une grande partie de son chiffre d’affaires à d’autres entités de Netflix à l’étranger», notamment via la filiale basée aux Pays-Bas où la fiscalité est plus douce.

De fait, Netflix Services France revendiquait sept millions d’abonnés «entre 2019 et 2020» et aurait versé «seulement 981 000 euros d’impôts sur les bénéfices». Or, après l’abandon de cette technique d’optimisation fiscale, son chiffre d’affaires déclaré en France a explosé, passant de 47,1 millions d’euros en 2020 à 1,2 milliard d’euros, puis à «1,3 milliard d’euros en 2022», explique encore Marianne. Le but des perquisitions en cours est de découvrir comment aurait été mise en œuvre, en interne, cette opération de «blanchiment de fraude fiscale aggravée». «Nous nous conformons aux règles fiscales de tous les pays dans lesquels nous opérons à travers le monde», avait déjà assuré à l’été 2023 un porte-parole de Netflix au moment de la révélation de l’information sur le contrôle fiscal en France.

Des perquisitions «sont conduites simultanément au siège des sociétés Netflix à Amsterdam [qui gère les services de la société en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique et où l’entreprise mène ses opérations d’optimisation fiscale] par des magistrats et enquêteurs néerlandais, accompagnés par des magistrats et enquêteurs français», détaille une source judiciaire à Libération. «Une action de coopération pénale entre les autorités françaises et néerlandaises est conduite depuis de nombreux mois dans le cadre de cette procédure et a fait l’objet d’une coordination par Eurojust», l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale.

Le Parquet national financier a déjà épinglé plusieurs géants américains, comme McDonald’s, pour des pratiques d’optimisation fiscale «frauduleuses». Une enquête est également toujours en cours concernant le cabinet de conseils McKinsey. À chaque fois, le système «d’optimisation» de ces multinationales se ressemble : «la filiale française règle des prestations imaginaires ou surfacturées à d’autres filiales étrangères dans le but de faire diminuer son bénéfice en France et d’y payer moins d’impôts…», observe Marianne.

Mise à jour : à 20 h 38, avec la réaction de Netflix.