Le bug est né aux Etats-Unis mais s’est répandu en quelques heures sur bon nombre de machines Windows occidentales. Ce vendredi matin, une mise à jour du logiciel CrowdStrike installée sur les ordinateurs possédant le système d’exploitation de Microsoft a paralysé de nombreuses entreprises. De l’Afrique du Sud au Japon, en passant par les Etats-Unis et l’Europe, l’«écran bleu de la mort» (blue screen of death) s’est propagé sur les ordinateurs des infrastructures de transports, des banques, des systèmes de santé ou encore des médias. La France n’est pas épargnée par cette panne mondialisée, mais reste bien moins touchée que ses voisins européens ou les citoyens américains.
Opérateurs téléphoniques et chaînes de télé : ça rame
Le site Downdetector permet de se faire une idée des dégâts sur l’informatique français. Des utilisateurs de services de téléphonie ont massivement signalé des pannes au petit matin. Dès 10 h 30, l’opérateur Bouygues a prévenu ses abonnés sur X : «A la suite d’un incident technique mondial, votre Service clients est indisponible.» Un de leurs concurrents directs, Orange, a également fait part des mêmes dysfonctionnements sur ses réseaux. La firme précise que certains de ses services, comme les «chaînes TV, notamment Canal +», étaient difficilement accessibles.
Car la télévision de Vincent Bolloré a particulièrement été touchée par cette panne mondiale. Sur le service de streaming MyCanal, il était impossible d’accéder au replay de Touche pas à mon poste. C8 et CStar étaient figées. Les chaînes satellites du milliardaire conservateur breton ont également été mises sur pause. CNews a pu continuer à émettre mais le cadre avait un peu changé. Aux alentours de 6 heures 50, les bandeaux quelque peu conservateurs de la chaîne ont disparu. Au même moment, le mélangeur de LCI est tombé en panne, nous offrant un flou des plus artistiques en direct. Emettant depuis la même tour, les équipes de la matinale de TF1, «Bonjour !», ont dû faire leur émission avec une «gigantesque panne en régie». Celle-ci a empêché d’afficher les cartes météo ou les génériques. Mais la presse audiovisuelle n’a pas eu le monopole des cafouillages technique. Dans leur live sur la panne, nos confrères du Figaro ont précisé que «plusieurs journalistes ne pouvaient pas accéder au système interne».
La panne de 6h49 sur LCI en vidéo pic.twitter.com/QcrrMSwEIO
— Bastien L. (@azerty774) July 19, 2024
L’organisation des JO ralentie à S-1
Espérons toutefois que les journalistes ont pu récupérer leurs accréditations pour les Jeux olympiques à temps. A une semaine de la cérémonie d’ouverture, les délégations d’athlètes internationaux commençaient tranquillement à arriver au village olympique, qui a ouvert jeudi. Plus rien ne semblait pouvoir contrevenir au bond déroulement des jeux (hormis une grève de la CGT spectacle, une Seine capricieuse ou un énième retournement de situation politique) avant ce vendredi bleu. Mais la panne mondiale n’a pas épargné le comité d’organisation des JOP (Cojop).
Sur France Info, son président, Tony Estanguet, a expliqué que la panne «ne met pas en question la sécurité de l’accès aux informations critiques et essentielles, mais par contre, dans les opérations sur le terrain, pour accueillir les nouveaux athlètes et toutes les délégations, pour délivrer les accréditions, ça ralentit nos opérations». «Pour l’instant, les opérations arrivent à continuer», a-t-il poursuivi, espérant «que Microsoft puisse résoudre cette panne très rapidement». En attendant que la situation soit rétablie, ce qui pourrait être une question de jours, ses équipes et lui sont retournés au boulot «pour voir comment se réadapter».
La panne informatique mondiale affecte aussi #Paris2024 :
— franceinfo (@franceinfo) July 19, 2024
"Pour accueillir les athlètes, pour délivrer les accréditations... ça ralentit nos opérations sur le terrain", affirme Tony Estanguet, patron des Jeux pic.twitter.com/r5eR7vOgYB
Dans les aéroports, pas «de grand bazar»
Si certains athlètes des Jeux ont du mal à récupérer leurs accréditations, la panne a carrément empêché des délégations d’arriver à Paris, la faute à un trafic aérien mondial bouleversé et à des aéroports à l’arrêt. En France, les perturbations dans le secteur sont limitées, rassure le ministre démissionnaire des Transports, Patrice Vergriete, sur son compte X. Pour autant, la compagnie low-cost Transavia France a dû annuler près 38 vols et la compagnie Air France a également précisé ce vendredi matin que «ses opérations sont perturbées».
Si les systèmes informatiques du groupe Aéroport de Paris (ADP) ont été épargnés, le site flightradar24 précise que les aéroports d’Orly-Sud et Charles-de-Gaulle ont rencontré des problèmes majeurs. Un communiqué du groupe ADP précise qu’il s’agit de : «ralentissements des enregistrements, des retards et la suspension temporaire de certains programmes de vols». Tout devrait bientôt «rentrer dans l’ordre», a annoncé ADP au Parisien dans l’après-midi. Ce sont principalement des compagnies états-uniennes, comme American Airlines ou Delta, qui ont été affectées, explique-t-on encore avant de rassurer : «Mais il n’y a pas eu d’annulations de vol en série, ni de grand bazar».
Les aéroports des Nantes, Bordeaux-Mérignac, Toulouse-Blagnac, Marseille ou Lyon ont aussi été confrontés aux conséquences de la panne internationale. A Lyon, les agents d’escales ont par exemple dû ressortir les feuilles et les stylos pour enregistrer les bagages des voyageurs. Pour les vacanciers qui souhaitent se rendre en Angleterre par la manche, il faudra également patienter. Le port de Calais a annoncé que la compagnie «Irish Ferries» était victime «d’une panne informatique générale». Mais que les habitués des voies ferrées se rassurent : la SNCF et la RATP n’ont pas été touchées par la panne mondiale.
La santé épargnée
Le secteur de la santé a, lui aussi, été épargné par la panne en France. Si plusieurs hôpitaux néerlandais ou encore britanniques ont signalé avoir été touchés par le bug et ont dû fermer leur service d’urgences ou reporter des opérations, les hôpitaux français n’ont pas subi les effets du bug. Interrogé par Libération, le président de Fédération des Hôpitaux de France, Arnaud Robinet, confirme que «les hôpitaux ne sont pas touchés», sauf sur des aspects mineurs, comme «la reconnaissance vocale». En parallèle, le ministère de la Santé a précisé à l’AFP que «les autorités sanitaires restent mobilisées et vigilantes à l’évolution de la situation», mais «qu’un nombre limité d’établissements et acteurs du système de santé déclarent des dysfonctionnements légers, sans conséquence sur la continuité des soins».
Parmi les vacanciers heureux de voir que leur banque n’avait pas été touchée en France, contrairement au Royaume-Uni où les paiements par carte bancaire n’étaient souvent plus possibles, certains se sont peut-être dit qu’ils aimeraient passer une journée à Disneyland Paris. La magie de la firme aux grandes oreilles risque d’être quelque peu brisée par les multiples panneaux affichant l’écran bleu de la mort au lieu de leur temps d’attente devant un manège. Car la panne informatique a aussi frappé le parc d’attractions de Mickey. Après tout, il est peu étonnant qu’une panne mondiale touche l’entreprise de divertissement la plus mondialisée.