Souriez, vous êtes vidéosurveillés. Les caméras dopées à l’algo, dont l’expérimentation a été votée dans la loi «Jeux olympiques et paralympiques», seront testées pour la première fois en conditions réelles les 3 et 5 mars prochains, à l’occasion de deux concerts du groupe Depeche Mode à l’Arena de Bercy, a annoncé le ministère de l’Intérieur ce vendredi 16 février lors d’un briefing avec la presse.
Projet de loi
Ce seront donc six caméras équipées du logiciel de la société parisienne Wintics, et déployées par la préfecture de police, qui accompagneront les fans de Enjoy the silence et autres Personal Jesus. Une première phase qui ne mènera pas à des interpellations réelles, mais devrait permettre de «tester et paramétrer les solutions logicielles» sur un vrai événement, a insisté Beauvau.
Plusieurs «niveaux d’encadrement» pour l’IA
Des tests du même genre auront ensuite lieu «à l’intérieur et autour des gares à l’occasion d’événements précis», en collaboration avec la SNCF et la RATP, a mentionné le ministère, sans plus de précision sur la date. Autre incertitude, le nombre de caméras à intelligence artificielle qui pourrait être implanté en France. Une question «trop prématurée» selon le ministère. Mais tous les dispositifs de vidéosurveillance ne seront pas boostés par l’IA. Les caméras à zoom et mouvements ne seraient ainsi pas concernées à cause de limitations techniques. Et celles qui le permettraient resteraient limitées.
Ces dispositifs ne pourront être employés que pour repérer huit types de comportements ou événements spécifiques et jugés à risque : le non-respect du sens de circulation, le franchissement d’une zone interdite, la présence ou l’utilisation d’une arme, un départ de feu, un mouvement de foule, une personne au sol, une densité trop importante ou un colis abandonné. Une sélection qui représente un «premier niveau d’encadrement» au bon fonctionnement d’une telle technologie.
Le ministère mise également sur des «vérifications techniques et de moralité auprès des entreprises» et une «liste limitative des services» à même d’être alertés via ce genre de dispositifs – police nationale, gendarmerie nationale, police municipale, services d’incendie et de secours, et services de sécurité de la SNCF et RATP.
Le recours à la vidéosurveillance algorithmique devra aussi être spécifiquement autorisé «événement par événement» via un arrêté préfectoral précisant «la temporalité, la localisation et les motifs de son utilisation». Le tout sans avoir recours à des dispositifs de reconnaissance faciale, la mesure ayant été dénoncée par plusieurs organisations de défense des droits et politiques, avant d’être écartée du projet de loi. Les caméras ne seront donc pas équipées de cette technologie.
Un dispositif toujours clivant
Le travail des opérateurs ne sera pas bouleversé par l’IA pour autant. Ils seront, comme à l’accoutumée, présents derrière leurs écrans, à la seule différence que des notifications de comportements à risque apparaîtront sur leurs appareils. La technologie se contentera de «signaler à l’opérateur un événement. A charge pour lui de vérifier s’il est nécessaire de prendre une décision. Mais ce n’est évidemment pas l’IA qui fait quoi que ce soit», précise Beauvau. Des mesures toujours bienvenues, mais qui peinent à rassurer pleinement les défenseurs des libertés individuelles.
Tribune
Parmi les réfractaires, la Quadrature du net mentionne un cadre de comportements dits «suspects» qui «représente des situations pour le moins banales» Sont notamment pointées du doigt la «détection de personne au sol après une chute» ou le «non-respect du sens de circulation commun par un véhicule ou une personne». «Le tout pour 8 millions d’euros d’acquisition aux frais du contribuable», précise l’organisation.
Le gouvernement admet s’attendre à «des contentieux», «mais reste serein». Le 21 décembre, le Conseil d’Etat a annulé une décision du tribunal administratif de Caen qui avait ordonné à une communauté de communes du Calvados d’effacer les données personnelles issues de leurs caméras équipées du logiciel israélien BriefCam, spécialisé dans la vidéosurveillance algorithmique.