Hiatus sur l’IA. Emmanuel Macron a critiqué ce lundi 11 décembre l’accord trouvé la semaine dernière par l’Union européenne pour un encadrement inédit au niveau mondial de l’intelligence artificielle, l’AI Act. Le président de la République a estimé que ce n’était «pas une bonne idée» de vouloir «beaucoup plus réguler que les autres» pays. «Je demande à ce qu’on évalue de manière régulière cette réglementation. Et si on perd des leaders ou des pionniers à cause de ça, il faudra y revenir», a plaidé le chef de l’Etat français, lors d’un discours sur l’innovation à Toulouse.
Analyse
L’UE s’est accordée vendredi sur une législation inédite au niveau mondial pour réguler l’IA, après trois jours de négociations intenses entre les Etats membres et le Parlement européen. Ce texte, présenté comme «historique» par la Commission européenne, est censé favoriser l’innovation en Europe, tout en limitant les possibles dérives de ces technologies très avancées.
Dans ses grandes lignes, il impose une liste de règles dans leur conception et leur utilisation aux systèmes jugés à «haut risque», tels que ceux utilisés dans l’éducation, les ressources humaines ou le maintien de l’ordre. Aussi, il prévoit un encadrement particulier des systèmes d’IA qui interagissent avec les humains, les obligeant à informer l’utilisateur qu’il est en relation avec une machine.
«Modèle français de la régulation»
Evoquant cette réglementation européenne, Emmanuel Macron a salué le fait qu’elle vienne «consolider» le «modèle français de la régulation». Mais elle «fait qu’on est le premier endroit au monde où, sur les modèles dits fondationnels d’IA, on va beaucoup plus réguler que les autres», a estimé le président français. «Moi, je pense que ce n’est pas une bonne idée et je le dis en toute honnêteté. Donc il faudra l’évaluer», a-t-il ajouté, en expliquant que les Britanniques, les Chinois et les Américains, «eux, n’auront pas cette régulation».
«On peut décider de réguler beaucoup plus vite et beaucoup plus fort que nos grands compétiteurs. Mais on régulera des choses qu’on ne produira plus ou qu’on n’inventera pas. Ce n’est jamais une bonne idée et donc il faut qu’on soit toujours à la bonne vitesse et en tout cas au bon rythme», a insisté Emmanuel Macron.
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Le commissaire européen Thierry Breton, à l’origine du projet présenté en avril 2021, avait souligné que le texte était «le fruit d’un grand consensus», assurant qu’il n’était «plus ouvert à la discussion». Un «grand consensus» qui a toutefois été bien laborieux à trouver. Le texte européen a été adopté tard vendredi, à l’issue de plus d’une trentaine d’heures de négociations à Bruxelles. La raison ? Un intense lobbying de la part des entreprises de la tech, ainsi que les réticences de certains pays membres à valider une régulation qu’ils estimaient trop contraignante pour l’innovation.
Aux côtés de l’Allemagne, la France en particulier faisait partie des Etats membres en désaccord avec le Parlement sur un certain nombre de points. Une façon pour elle de protéger l’essor de son poulain, la start-up Mistral AI, qui est parvenue dimanche à lever 385 millions d’euros. Désormais valorisée à 2 milliards d’euros, la licorne compte bien concurrencer le célèbre robot conversationnel américain ChatGPT.
Encore du boulot
Depuis l’adoption de l’AI Act, d’autres voix désapprobatrices, notamment dans le secteur de la tech, se sont élevées. «La rapidité semble avoir prévalu sur la qualité, avec des conséquences potentiellement désastreuses pour l’économie européenne», a ainsi estimé Daniel Friedlaender, responsable Europe du CCIA, un des principaux lobbys. Selon lui, «un travail technique» est désormais «nécessaire» sur des détails cruciaux.
Un travail technique prévu, justement, comme l’a annoncé le ministre français du Numérique Jean-Noël Barrot : «Nous allons analyser attentivement le compromis trouvé aujourd’hui et nous assurer dans les prochaines semaines que le texte préserve la capacité de l’Europe à développer ses propres technologies d’intelligence artificielle et préserve son autonomie stratégique».