Hasard du calendrier parlementaire. Tandis que sa circonscription s’émouvait d’une vaste affaire de deepfakes (fausses images générées par intelligence artificielle) pornographiques visant douze collégiennes de la Manche, le député Philippe Gosselin (LR) déposait mardi 11 mars une proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs en ligne et la lutte contre la pédocriminalité. Et ainsi, comme il l’explique à Libé, «incriminer la création et la diffusion des deepfakes».
Ce n’est pas la première fois que des mineurs sont victimes de deepfakes pornographiques dans le monde. Que proposez-vous pour enrayer le phénomène en France ?
Aujourd’hui, des textes existent sur le plan pénal permettant l’incrimination du harcèlement, y compris du harcèlement sexuel. Avec notre proposition de loi, on veut aller plus loin. Plusieurs points nous paraissent saillants. Tout d’abord, nous proposons une aggravation des peines contre les auteurs d’infractions commises sur des mineurs de moins de 15 ans. Ensuite, nous souhaitons incriminer la création et la diffusion des deepfakes. Nous proposons, par ailleurs, de mettre au point une sanction spécifique sur le partage de telles images ou leur envoi non sollicité. Enfin, et plus radicalement, nous demandons la pénalisation de la fabrication et de la mise à disposition de modèles d’IA générative destinés à générer des contenus pédocriminels.
Témoignages
En France, aviez-vous déjà entendu parler d’affaires similaires à celle de votre département ?
En Normandie, quelques cas avaient déjà été signalés à des chefs d’établissements. Dans d’autres régions, certaines histoires ont parfois été médiatisées… mais assez peu en réalité. La plupart du temps, elles passent sous les radars. L’affaire des deepfakes de la Manche est singulière par son ampleur. Ce sont douze jeunes filles. Douze. Pas deux, pas trois. C’est peut être l’occasion, pour les jeunes, pour les familles, de se rendre compte qu’il y a des risques avec l’IA. Tout le monde sait que cette technologie existe, qu’elle se propage à vitesse grand V, mais le droit est en retard. Il faut mettre les bouchées doubles. Et sur un sujet pareil, je pense qu’on devrait arriver à faire front commun.
Etes-vous surpris que la première affaire de cette ampleur se déroule dans la Manche ?
C’est vrai que ça paraît contre-intuitif. On pourrait penser que comme on est un peu plus loin des grandes agglomérations, on serait un peu plus épargnés par ces problèmes. Mais même chez nous, on n’est pas à l’abri. Notre population n’est pas sous cloche et est elle aussi traversée par les évolutions mondiales. Parfois plus tardivement, et c’est pour cela qu’il faut alerter nos jeunes qui sont de ce fait peut-être moins vigilants que d’autres. La majorité se dit de bonne foi. Ces individus disent que comme ils vivent dans un département plus tranquille, il n’y a pas de raison qu’ils aient de problèmes en ligne. Au contraire, il faut leur faire comprendre que lorsqu’ils publient sur les réseaux sociaux, n’importe qui peut aujourd’hui enregistrer leur visage très facilement et faire n’importe quoi grâce à l’IA. Chez nous aussi, c’est possible.