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Libération
Courage, fuyons

Plutôt que de respecter les règles, Meta suspend son réseau social Threads en Turquie

La maison mère de Facebook annonce suspendre temporairement sa nouvelle plateforme à partir du 29 avril en Turquie. La raison : une décision de l’Autorité de la concurrence l’empêchant de partager ses données avec son autre réseau, Instagram.
Threads a été lancé à l'été 2023 en Turquie. (Dado Ruvic/REUTERS)
publié le 15 avril 2024 à 18h41

En Turquie, Meta préfère quitter le terrain plutôt que de respecter les règles du jeu. La maison mère des réseaux sociaux Facebook, WhatsApp ou encore Instagram a annoncé ce lundi 15 avril vouloir suspendre l’accès dans le pays à son petit dernier, Threads. La raison de ce coup de sang ? Une décision de l’Autorité turque de la concurrence visant à empêcher le partage de données avec son autre plateforme, Instagram.

«Nous allons suspendre temporairement Threads en Turquie à partir du 29 avril afin de nous conformer à une ordonnance provisoire de l’Autorité turque de la concurrence», indique l’entreprise de Mark Zuckerberg dans une note de blog. «Nous ne sommes pas d’accord avec l’ordonnance provisoire. Nous estimons que nous respectons toutes les exigences légales turques et nous ferons appel», ajoute Meta.

L’Autorité turque de la concurrence avait jugé en mars «dommageable» le partage de données entre Threads et le réseau social Instagram, auquel Threads est associé. Compte tenu de sa vaste base d’utilisateurs, de son réservoir de données et de ses ressources financières, «les pratiques de Meta sur le marché constituent une barrière à l’entrée» pour les concurrents potentiels, a souligné l’Autorité.

Pour Meta, dont le chiffre d’affaires annuel s’élève à près de 135 milliards de dollars en 2023, ce partage de données offre un avantage stratégique. Lancé en fin d’année 2023 en France, Threads est apparu dans un contexte particulier. A cette époque-là, Internet voit l’un de ses géants perdre en vitesse depuis son rachat par le milliardaire Elon Musk, X (ex-Twitter). Depuis des mois, annonceurs et utilisateurs fuient le navire. Et rameutent des concurrents avides de reconstruire sur les cendres de l’oiseau bleu un nouvel empire du microblogging.

Seulement, problème : pas facile d’attirer sur ces nouveaux sites des internautes devant tout reconstruire. Eux qui au fil des ans ont parfois bâti des communautés peuplées de centaines voire de milliers d’abonnés sur X. En associant étroitement ses deux réseaux, Meta parvient à contourner ce problème. Les utilisateurs s’inscrivant sur Threads ont par exemple la possibilité de s’abonner automatiquement aux comptes déjà suivis sur Instagram et affiliés à un profil sur la nouvelle plateforme. Autrement dit, un seul clic suffit pour reconstituer une partie de sa communauté.

La stratégie du boycott

Threads est actif en Turquie depuis son lancement en juillet 2023. Meta avait en effet lancé son réseau social dans l’Union européenne cinq mois après le reste du monde, dans une version adaptée afin de respecter les lois européennes. Le géant américain avait voulu s’assurer de ne pas contrevenir au règlement européen sur les marchés numériques (DMA), qui durcit les règles anticoncurrentielles, ainsi qu’au règlement sur les données personnelles (RGPD). Threads compte plus de 130 millions d’utilisateurs actifs mensuels dans le monde, a affirmé début février le patron de Meta Mark Zuckerberg.

Dans une note de blog, l’entreprise se veut empathique avec les internautes turcs : «Nous savons que cela sera très décevant». En plus de leur suggérer de désactiver leur compte sans pour autant supprimer leur profil, elle leur assure qu’en cas de désactivation «les publications des utilisateurs et les interactions avec les publications d’autres personnes redeviendront visibles si Threads revient en Turquie». Un ton compatissant et rassurant faisant presque oublier un détail : ce n’est pas la première fois que la société préfère priver ses internautes d’un service plutôt que de respecter les règles de leur pays pour leur offrir.

Piqûre de rappel. Depuis le mois d’août, Facebook et Instagram bloquent les médias au Canada. Un boycott mis en place après que le pays a adopté une loi pour obliger les géants du numérique à conclure des accords commerciaux équitables avec la presse concernant la diffusion de son contenu en ligne. Dans une dépêche parue ce lundi 15 avril, soulignant les risques politiques que cette décision fait encourir aux internautes, Reuters cite une étude de NewsGuard. Dans les 90 jours ayant suivi cette décision, les likes, commentaires et partages de sources qualifiées de «peu fiables» avait augmenté de 6,9 %. Contre 2,2 % les 90 jours précédents.