«Tu recherches quoi ici ?» En se connectant sur Coco.gg (ex-Coco.fr), détenu par la société bulgare Vinci, des internautes anonymes discutent par écrit en quelques clics, et peuvent même s’envoyer des photos ou discuter par webcam. La plupart du temps, les messages prennent vite un ton sans équivoque sur la finalité : des rencontres à caractère sexuel. De quoi faire aussi de ce site un potentiel repère à prédateurs. Le chat traîne ainsi derrière lui de nombreuses affaires d’arnaques et de guet-apens, quand de faux rendez-vous donnés en ligne se transforment en agressions. Dernièrement, l’un des deux adolescents placés en garde à vue après la mort de Philippe C., dans la nuit de lundi à mardi à Grande-Synthe (Nord), a ainsi avoué avoir eu recours à Coco pour piéger la victime. Ce vendredi 19 avril, la procureur de Dunkerque a d’ailleurs indiqué que la justice enquête sur «d’autres agressions commises dans des circonstances similaires», soit «après des rendez-vous fixés sur le site de rencontre Cocoland».
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Il suffit d’entrer son pseudo, son genre, son âge et son code postal (qu’ils soient vrais ou faux) pour accéder au «chat sans inscription» lancé en 2003 – et qui n’a pas l’air d’avoir beaucoup évolué depuis. Passée cette brève étape, une longue liste de pseudos se dresse à droite de l’écran. Les profils supposément féminins sont en rose, les masculins en bleu. A gauche, de tout aussi nombreux «salons» représentent autant de sujets de discussions. Certains sont directement accessibles, d’autres demandent simplement de patienter une heure – ou de payer – avant d’y entrer. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait croire, un simple salon en libre accès donne déjà le ton. Dans l’un d’entre eux, on cherche «un dominant avec une grosse bite».
En quelques minutes, des inconnus nous contactent directement. Passé un simple «bonjour», l’un d’entre eux nous demande : «envie ?» Un autre : «Poilu ? Passif ?». En créant un profil féminin, les messages pullulent (une vingtaine en quelques minutes), et ne se préoccupent pas tous des salutations de rigueur : «tu es vénale ?», «escort ?» ou encore «envie de mater ?», figurent parmi les demandes les plus polies. Bien vite, la page peine à contenir la quantité de pseudos qui fleurissent sur notre écran. Puis viennent, parfois, les demandes de rendez-vous.
Des affaires à la pelle
Rien de plus simple donc que d’alpaguer une potentielle victime, qui croirait discuter avec une personne intéressée. Le code postal renseigné à l’entrée du site permet, lui, de parler avec des gens du coin, facilitant ainsi les rencontres, quelles que soient leurs intentions. Un lieu de rendez-vous est défini, et vire, dans certains cas, à l’agression.
Parmi les affaires traînées par Coco, celle des «viols de Mazan», dans laquelle 51 hommes sont accusés d’avoir agressé sexuellement une femme droguée à son insu par son mari de juillet 2011 à octobre 2020, et dont les auteurs présumés ont été contactés sur la messagerie. Mais aussi, plus largement, de nombreuses agressions à caractère homophobe, dont celle de Michel Sollossi tué à coups de couteau en 2018 par un homme rencontré sur le site.
Avec son anonymat, le site est apprécié de la communauté homosexuelle. Et pour cette même raison, il l’est aussi des homophobes, qui savent qu’ils peuvent facilement tomber sur de potentielles victimes. Coco est également connu pour accueillir pédophiles ou trafiquants en quête de discrétion. Car, hébergé à Guernesey (d’où un Coco.fr devenu Coco.gg), le site offre un semblant d’anonymat, rendant plus difficile l’identification des criminels par les autorités françaises. En 2023, Coco revendiquait 500 000 utilisateurs mensuels. Contactés, les administrateurs du site n’ont pour l’heure pas donné suite.