Mercredi, la lumière de la vérité a percé un mystère, celui des revenus réels des streamers, ces stars de Twitch aux centaines de milliers voire aux millions d’abonnés. 8 millions de dollars (environ 7 millions d’euros) pour le Canadien xQc, 3 millions pour l’Américain Ludwig, connu pour avoir streamé pendant trente et un jours non-stop, 1,15 million pour le Français Locklear… D’août 2019 à octobre 2021, ils sont plus de 80 vidéastes à avoir empoché au moins un million de dollars en apparaissant dans leurs vidéos en direct. Comment le sait-on ? Grâce à une fuite massive de données survenue mercredi sur la célèbre plateforme de streaming.
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128 Go d’informations se sont déversées de part et d’autre du Net, parmi lesquelles le code source du site, un projet de plateforme de jeu vidéo. Les entrailles de Twitch et de sa maison mère, Amazon, ont ainsi été exposées au public mais seul un dossier – de 5 petits Go – a retenu l’attention : celui des revenus, depuis 2019, des streamers. Surprenant ? Pas vraiment. Notons-le, la curiosité du public sur ce sujet relève d’une grande tradition sur le Web, celle du tabou régnant autour de la rémunération des créateurs de contenu.
Transparence totale
Car, avant le fameux «mais combien gagnent les streamers ?», il y avait le «mais combien gagnent les youtubeurs ?» Certes, cette question est cryptique et ce pour deux raisons. Les revenus d’un vidéaste en ligne constituent une équation à plusieurs variables (dons, partenariats, publicités, nombre de «subs» ou abonnés sur Twitch…). Et le montant de ces variables… varie. Quitte à faire des déçus, on désamorce tout de suite : non, les sommes conséquentes indiquées dans les fichiers leakés ne sont pas celles versées sur les comptes bancaires. «C’est un chiffre d’affaires et non un bénéfice», a ainsi rappelé dans un tweet le septième streamer français, Zerator.
Si les revenus des stars de ce type de réseau restent l’objet de beaucoup de fantasmes, c’est que ces métiers de youtubeur et de streamers n’ont pas été reconnus pendant longtemps. Difficile, pour le grand public de concevoir que des vidéos publiées sur Internet puissent constituer un gagne-pain. Passé sur le plateau de Salut les Terriens, en 2017, le jeune vidéaste Squeezie avait été taclé par Laurent Baffie : «On en a vu des branleurs ici, mais lui… il est magnifique.»
Le questionnement sur la légitimité des revenus de ces créateurs s’est longtemps accompagné d’un mépris sur leur statut : «Youtubeur, c’est un vrai métier ?» Oui c’en est un. Celui de streamer aussi. Et seule une poignée de boomers rechigneront à le reconnaître. Avec ses gros chiffres, le leak de Twitch nous donne enfin un aperçu des profits engendrés. Mais cette révélation forcée devrait inciter les acteurs de ces réseaux à une transparence totale.
D’abord, parce qu’entretenir le flou revient à invisibiliser certaines inégalités. Selon le site Numerama, seules trois femmes figurent dans le top 100 des streamers les mieux payés… Il revient, aussi, à favoriser une autre dérive : celle de l’évasion fiscale. Locklear, David Lafarge, Teufeurs… Tous ces streamers célèbres vivent à… Malte. Pour la beauté de l’île, disent-ils. Mais aussi, accusent certains utilisateurs de Twitch, pour sa politique fiscale avantageuse. Alors que les salaires réels des dirigeants restent opaques dans l’économie IRL, les twitcheurs ont une nouvelle fois l’occasion de prendre de l’avance en profitant de ces fuites pour afficher fièrement leurs revenus. Et ce faisant, à parachever la reconnaissance due à leur métier.
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