Sur le plateau télé à l’ambiance feutrée de Fortune Magazine, la voix grave, pénétrante, d’Elizabeth Holmes subjugue. Ses grands yeux d’un bleu profond fixent sans vaciller un horizon radieux qu’elle affirme pouvoir atteindre avec son nouveau produit. Une seule goutte de sang prélevée sur le bout d’un doigt, explique-t-elle, c’est tout ce qu’il faut à son invention, l’Edison, pour réaliser des centaines d’analyses médicales en tous genres. Dans un temps record. A un coût record.
Dans un pays où plus de 40 % de la population renoncerait à se faire soigner ou à suivre un examen médical pour des raisons financières, sa trouvaille est célébrée en grande pompe. Le visage de cette jeune femme blonde, qui se dit phobique des piqûres, fleurit sur les unes de Fortune Magazine, Forbes et Business Week en cette année 2014. On vante son intelligence, son charisme, son jeune âge (même pas la trentaine à l’époque). Grâce à elle, les gens pourront bientôt faire leurs analyses entre deux courses ou à domicile. Des vies seront sauvées et plus jamais, selon la formule martelée par l’entrepreneuse, personne n’aura à «dire au revoir trop tôt» à un proche. «Prodige», c’est le terme qu’emploie l’ancien président Bill Clinton pour la qualifier. Joe Biden, alors vice-président d’Obama, préfère celui de «visionnaire». Problème : son entreprise Theranos, alors valorisée à 9 milliards de dollars, est entièrement construite sur