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Libération
Obsolescence déprogrammée

Smartphones et tablettes : les fabricants contraints de vendre des appareils plus durables dès ce vendredi

Autonomie de la batterie, résistance aux chutes, obsolescence programmée des logiciels et pièces détachées… Un nouveau règlement européen visant à allonger la durée de vie des appareils entre en vigueur ce 20 juin.
Les batteries devront désormais supporter au moins 800 cycles de charge et de décharge tout en conservant au moins 80 % de leur capacité initiale. (Peter Dazeley/Getty Images)
publié le 19 juin 2025 à 16h43

Enfin des smartphones qui tiennent plus de deux ans ? Un nouveau règlement européen entre en vigueur ce vendredi 20 juin pour renforcer les exigences en matière d’écoconception des téléphones portables et des tablettes numériques. Des appareils qui ont une «incidence significative sur l’environnement», rappelle la Commission européenne.

Pourquoi modifier les règles ?

La forte augmentation des ventes de ces produits ces dernières années a entraîné une hausse considérable de la demande en énergie et en matériaux, avec de lourdes répercussions sociales et environnementales. Selon l’UE, «les appareils sont souvent remplacés prématurément par les utilisateurs et ne sont pas suffisamment réutilisés ou recyclés à la fin de leur durée de vie, ce qui entraîne un gaspillage des ressources.»

Dans le détail, les nouvelles normes obligent désormais les fabricants à concevoir des appareils à la durée de vie plus longue, à limiter les déchets électroniques tout en informant les consommateurs et leur permettre de faire un choix d’achat plus responsable.

Qu’est-ce qui va changer ?

D’abord, et c’est le plus visible, il y aura désormais une étiquette énergétique, à l’instar de ce qui se fait déjà en France pour l’électroménager (lave-linge, réfrigérateur ou aspirateur). Ces labels donneront des informations sur l’autonomie de la batterie, la résistance aux chutes, à la poussière et à l’eau de l’appareil et sa réparabilité.

Ensuite, les smartphones et tablettes respecteront désormais des règles d’écoconception. Par exemple, les batteries devront supporter au moins 800 cycles de charge et de décharge (contre 100 à 1 000 cycles selon les appareils actuellement), tout en conservant au moins 80 % de leur capacité initiale.

Par ailleurs, les constructeurs doivent également rendre accessible des mises à jour du système d’exploitation des produits pendant au moins cinq ans après leur mise sur le marché, afin de limiter l’obsolescence programmée dans les pays membres. Une mesure inédite, puisqu’il n’existait jusque-là aucune obligation. Les fabricants devront aussi permettre la suppression des données personnelles et la restauration des paramètres d’usine.

Pourra-t-on faire des réparations soi-même ?

Pour garantir la réparabilité des produits, l’UE exige de pouvoir désassembler les portables et les tablettes, et oblige les fabricants à mettre des pièces de rechange à disposition dans les cinq à dix jours ouvrables après que le besoin s’en est fait sentir, et jusqu’à sept ans après la fin des ventes du modèle. Contre cinq ans actuellement pour les smartphones en France, pays moteur en la matière. Cette mesure est censée faciliter le changement des écrans, des batteries, des haut-parleurs, des touches ou des caméras lorsque ces éléments lâchent.

Ces mesures sont jugées en «demi-teinte» par l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP). «On est plutôt déçu concernant l’indice de réparabilité et la visibilité des informations, explique Flavie Vonderscher, responsable du plaidoyer de l’association. En France, on travaillait à un indice très ambitieux, beaucoup plus que ne l’est cette nouvelle étiquette énergétique européenne, qui a des critères très éparpillés. Il ne s’agira pas d’une seule note qui permettrait de comparer les produits, ce qui était le cas avec l’indice de durabilité de la France.» En effet, il s’agit désormais de cinq notes différentes, de A à E. «Le consommateur ne saura pas ce qui est le plus important entre la réparabilité, la résistance du produit à l’eau, etc. Ce sera compliqué de s’y retrouver», pointe Flavie Vonderscher.

En outre, un autre critère ne figure pas dans le score européen : le prix des pièces détachées. Or, des coûts trop élevés découragent les consommateurs et de fait, plombe la réparabilité de l’appareil. Bref, «le fond est bon, mais c’est mal fait», tranche Flavie Vonderscher.

Poids des lobbys

Autre point de vigilance : le texte initial de la Commission européenne a été modifié juste avant sa promulgation. Le texte était ambitieux sur un point : les fabricants devaient rendre la réparation des écrans accessible à tous les consommateurs, sans aide extérieure. «Cela a été transformé pour faciliter la réparation mais seulement pour les professionnels, dans des conditions d’atelier», note Flavie Vonderscher. Sur cette question, difficile de ne pas suspecter les lobbys des constructeurs, qui «ont les armes pour influencer lourdement les décisionnaires», selon l’experte.

Pour HOP, il s’agit désormais de poursuivre le combat sur l’obsolescence programmée, dont l’interdiction en France fête ses dix ans cette année. «La bataille continue, assure Flavie Vonderscher. Désormais, on souhaite que nos plaintes contre les marques qui ne respectent pas la loi soient instruites et que des procès se tiennent.»