Menu
Libération
Cyberviolences

Telegram : la messagerie visée par une enquête pour des deepfakes pornographiques en Corée du Sud

La messagerie, connue pour accueillir de nombreuses conversations problématiques, fait l’objet d’une enquête en Corée après avoir refusé de communiquer avec la police dans le cadre d’affaires de deepfakes à caractère pornographique.
L'application Telegram est connue pour abriter des discussions tombant sous le coup de la loi, en France comme en Corée du Sud. (Dado Ruvic/REUTERS)
publié le 2 septembre 2024 à 15h03

Après l’arrestation en France de son patron Pavel Dourov fin août, Telegram enchaîne les déboires judiciaires. La Corée du Sud a annoncé ce lundi 2 septembre l’ouverture d’une enquête contre la messagerie car elle «encouragerait» la diffusion de contenus pornographiques truqués, notamment de mineurs.

Selon le chef du bureau des investigations de la police nationale sud-coréenne, Telegram n’aurait pas répondu aux demandes d’informations lors de différentes enquêtes sur des affaires liées à la messagerie – dont des deepfakes pornographiques. Ces contenus sont des montages, réalisés avec l’aide de l’intelligence artificielle, dans lesquels des visages d’individus sont plaqués sur des photos ou vidéos à caractère sexuel déjà existantes. Pour obtenir le visage de leurs victimes, les créateurs de deepfakes piochent dans des photos partagées sur les réseaux sociaux.

Cette enquête, ouverte par la police de Séoul, fait écho à la situation de Telegram en Franc. Elle intervient quelques jours après l’arrestation le 28 août au Bourget (Seine-Saint-Denis) du patron de la plate-forme, Pavel Dourov. Après quatre jours de mise en examen, le milliardaire franco-russe a été libéré, mais reste astreint à un contrôle judiciaire lourd, dont l’interdiction de quitter le territoire français.

Les faits qui lui étaient reprochés sont très proches, puisque l’homme a été mis en examen pour son rôle en tant que dirigeant de Telegram dans le cadre d’un «refus de communiquer les informations nécessaires aux interceptions autorisées par la loi» et de «complicité de détention de l’image d’un mineur présentant un caractère pédopornographique». Là encore, la justice déplore la difficulté à obtenir des informations de la part de la messagerie, la procureure de Paris pointant la «quasi-totale absence de réponse de Telegram aux réquisitions judiciaires».

Avec ses groupes de discussion pouvant accueillir jusqu’à 200 000 personnes, Telegram est souvent accusé d’augmenter le potentiel viral des fausses informations et la prolifération de contenus haineux, néonazis, pédophiles, complotistes ou terroristes.

156 affaires de deepfakes pornographiques traitées en Corée en 2021, déjà 297 en 2024

La police coréenne, elle, a annoncé avoir reçu 88 signalements au sujet de deepfakes pornographiques, et identifié 24 suspects la semaine dernière. La plupart des victimes de ce genre d’affaires sont des filles, dont 60 % de mineurs. Fin août, le média sud-coréen Hankyoreh a révélé que des étudiants en université administraient un groupe de discussion Telegram dans lequel circulaient des «deepfakes porn» de leurs camarades féminines. Une affaire qui a provoqué une forte colère populaire dans le pays.

La criminalité en ligne est très répandue en Corée du Sud, entre exploitation de caméras espions et publication de «revenge porn» – du contenu pornographique privé partagé sans consentement pour se venger. La Corée du Sud est même le pays le plus ciblé par les deepfakes pornographiques, selon un rapport de 2023 réalisé par la start-up américaine Security Hero, spécialisée dans la protection contre le vol d’identité. Les chanteuses et actrices du pays y représentent 53 % des victimes. La police du pays, qui traitait 156 affaires du genre en 2021, en compte déjà 297 cette année.