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Bon filon

Déménagements, locations, voyages : le business florissant du télétravail

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Aide au choix d’une destination pour se mettre au vert, locations de vacances compatibles télétravail… Des entreprises ont créé des offres adaptées aux travailleurs à distance.
(Andres Gutierrez/Libération)
publié le 9 octobre 2021 à 7h46

Lorsque la bise fut venue, eux n’ont pas été dépourvus. Alors que la crise du Covid a été fatale à de nombreux commerces, certains entrepreneurs ont vu dans la période une source d’inspiration. L’émergence d’une nouvelle cible commerciale suscite les convoitises des businessmen en quête du bon filon : les télétravailleurs.

L’entrepreneur Dominique Valentin les a observés fuir les grandes villes pendant la pandémie. Il a donc eu l’idée de créer un outil pour accompagner cet exode urbain ? «La crise du Covid a souligné à quel point les villes sont des territoires subis plus que choisis. A partir du moment où les bars et boîtes de nuit sont fermés, la campagne est plébiscitée, pour son calme, son jardin, sa moindre pollution…» argumente-t-il auprès de Libération. Et ainsi naquit le site internet Vivrovert.

Première étape sur cette plateforme : vous indiquez vos critères : proximité voulue avec la montagne, le calme ou les températures pas trop élevées. Deuxième étape : une carte de France quadrillée apparaît et, par un code couleur, indique les territoires qui vous correspondent le mieux ainsi que les logements disponibles sur place. Entièrement gratuite pour l’utilisateur, la start-up se rémunère, pour l’instant, grâce aux agences immobilières et via des partenariats avec des collectivités territoriales.

De quoi suggérer aux télétravailleurs des lieux de vie «auxquels ils n’avaient pas forcément pensé» mais, aussi, avance Dominique Valentin, contribuer à une meilleure répartition spatiale de la population. En tout, le site, lancé en août 2020, compte désormais 10 000 inscrits.

«A côté de la piscine»

Sans aller jusqu’au déménagement, des poids lourds des agences de voyages et sites de location, comme Airbnb ou Accor, ont mis en place des offres dédiées aux télétravailleurs. Pas besoin d’attendre qu’ils soient en congé pour leur faire voir du pays. Chez Pierre et Vacances, site de location aux plus de 7 millions d’euros de chiffre d’affaires, on vante 87 résidences «compatibles pour le télétravail».

«Ça veut dire qu’elles ont un endroit au calme dans lequel les travailleurs peuvent s’isoler et une connexion internet, détaille le directeur général de l’entreprise, Grégory Sion. On leur fournit des clés 4G, ça nous a permis de nous rendre compte que beaucoup travaillaient à côté de la piscine.» Même démarche du côté de Gîtes de France : «On a près de 3 000 offres sur tout le territoire pouvant accueillir des personnes qui souhaitent télétravailler», avance sa directrice générale, Solange Escure. Parmi les destinations favorites de ces nouveaux clients, on retrouve la Normandie et la Bretagne.

Mais pour aller encore plus loin, de nouvelles plateformes proposent carrément aux télétravailleurs de voyager à l’étranger. Boucler des dossiers le matin et suivre des cours de pêche l’après-midi sur une plage vietnamienne ? Entamer sa journée de réunions juste après un cours de yoga à Bali ? C’est possible, selon le site «MyTeletravel», lancé par l’agence Best of Tours.

De phénomène de niche à marché potentiel

En bon entrepreneur, Yacine Bakouche, cogérant de Best of Tours, a le sens de la punchline : «La crise du Covid a eu un effet crise cardiaque.» Lui-même «digital nomad» depuis des années, cet entrepreneur a vu le «teletravel» passer de phénomène de niche à marché potentiel. Aujourd’hui, «les mentalités ont changé», observe-t-il.

Même discours chez Damien Corchia, cofondateur du site Remoters qui met en relation ses clients avec des conseillers déjà installés dans des destinations étrangères : «Avant, c’était plutôt des célibataires âgés de 25 à 35 ans et employés dans la “tech” qui étaient concernés. Maintenant on voit des familles, des personnes plus âgées se renseigner.»

Pas question toutefois pour les deux hommes d’affaires de reproduire les travers du tourisme de masse et du fast tourism, modèles commerciaux privilégiant les séjours courts et multipliant donc les trajets polluants… «Chez nous, plus les gens vont loin, plus le séjour doit durer longtemps», affirme Yacine Bakouche. Ainsi, un voyage à Bali doit s’étendre minimum sur quatre semaines. «En restant plus longtemps, on se connecte plus aux locaux, on en apprend plus sur la culture locale», argumente l’entrepreneur.

Pour autant, entre le ralentissement de l’épidémie et le retour obligatoire au présentiel – au moins quelques jours par semaine – pour une grande partie des salariés, l’activité de ces nouveaux business peut-elle réellement être pérenne ? Chez Gîtes de France, on émet quelques réserves, mais du côté des autres agences, on s’enthousiasme : le télétravail longue distance est «une tendance lourde», pour Yacine Bakouche, et «certaines entreprises mettent déjà en place deux à trois jours de télétravail par semaine», rappelle Damien Corchia. Grégory Sion abonde : «Par souci de faire des économies, la surface des bureaux diminue donc le télétravail va rester.»