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TikTok : Biden laisse Trump décider de l’application de la loi interdisant le réseau social chinois

L’application chinoise soupçonnée d’espionnage devait disparaître outre-Atlantique dimanche 19 janvier. Confirmée ce vendredi 17 janvier par la Cour suprême américaine, cette loi d’interdiction sera finalement appliquée par Donald Trump… ou pas. «Libé» fait le point sur l’affaire.
Avec plus de 170 millions d’utilisateurs aux Etats-Unis, TikTok pourrait toutefois survivre grâce à l’intervention du président élu Donald Trump. (Dado Ruvic/REUTERS)
publié le 16 janvier 2025 à 18h29
(mis à jour le 17 janvier 2025 à 20h15)

Un ballon d’oxygène pour le réseau social le plus téléchargé au monde. TikTok se préparait à l’arrêt de ses activités aux Etats-Unis, dimanche 19 janvier. Le téléchargement de cette application, particulièrement plébiscitée par les jeunes pour ses formats vidéo ultra courts qui défilent en continu, ne devait plus être possible sur le sol américain.

Saisie en urgence en décembre par la maison mère chinoise de TikTok, ByteDance, la Cour suprême américaine a approuvé vendredi 17 janvier, à l’unanimité, l’entrée en vigueur de cette loi menaçant d’interdiction imminente des activités américaines du réseau social. Les neuf juges de la Cour ont conclu que la loi contestée ne violait pas le Premier amendement de la Constitution américaine garantissant la liberté d’expression. La loi, qui devait entrer en vigueur dimanche, fixe donc à ByteDance, la date limite du 19 janvier pour céder l’application à un autre propriétaire non-chinois, sous peine d’interdiction aux Etats-Unis.

Sauf que. Ce vendredi 17 janvier, Joe Biden a annoncé qu’il laisserait au président élu, Donald Trump, le soin de décider de l’application de la loi interdisant TikTok. Investi à la Maison blanche lundi 20 janvier, Donald Trump, qui avait promis de sauver la plateforme, a annoncé avoir «besoin de temps» pour décider du sort du réseau social chinois. L’application de la loi va s’étaler dans le temps, a confirmé dans la foulée le ministère américain de la Justice.

Avec plus de 170 millions d’utilisateurs aux Etats-Unis, TikTok pourrait donc survivre grâce à l’intervention du président élu Donald Trump. Le directeur général du réseau Shou Zi Chew, invité à la cérémonie d’investiture du futur président, a publié vendredi une vidéo de remerciement sur sa plateforme. «Je tiens à remercier le président Trump pour son engagement à travailler avec nous afin de trouver une solution qui permette à TikTok de rester disponible aux États-Unis», a déclaré le patron de l’application.

Le sauvetage de la plateforme chinoise sur le sol américain est-il acquis ou ne bénéficie-t-il que d’un sursis ? Retour sur l’affaire en cinq questions.

Pourquoi TikTok a-t-il été interdit aux Etats-Unis ?

En avril 2024, le Congrès adopte un texte contraignant la maison mère de TikTok, ByteDance, à vendre ses activités américaines d’ici au 19 janvier, sous peine d’interdiction du réseau social aux Etats-Unis. Les élus américains justifient cette décision par les craintes de voir les données et contenus des utilisateurs américains exploités par les autorités chinoises, soupçonnées d’espionnage. La loi prévoit d’obliger les fournisseurs d’Internet et les boutiques d’applications à empêcher TikTok d’être téléchargé après la date butoir.

Où en est la procédure d’interdiction ?

TikTok et ByteDance ont toujours réfuté avoir accordé l’accès aux données du réseau social au gouvernement chinois. Ainsi, ByteDance a jusqu’ici systématiquement refusé de céder TikTok, même si plusieurs investisseurs américains se sont positionnés, en premier lieu l’homme d’affaires Frank McCourt, prêt à mettre 20 milliards de dollars sur la table.

Une partie du sort de la plateforme reposait sur la Cour suprême, saisie en urgence mi-décembre 2024 par le groupe pour bloquer l’application de la loi. A l’audience qui s’était déroulée vendredi 10 janvier, plusieurs magistrats de la plus haute juridiction américaine avaient semblé sensibles aux arguments liés à la sécurité nationale soulevés par le Congrès. La décision de la Cour suprême est donc tombée ce vendredi 17 janvier, confirmant l’interdiction du réseau aux Etats-Unis, à compter du dimanche 19 janvier.

Mais dans la foulée de cette décision, le gouvernement de Joe Biden a dit laisser à l’équipe de Donald Trump le soin de décider de l’application ou non de la loi prévoyant l’interdiction du réseau social TikTok, tandis que le futur président a dit avoir «besoin de temps» pour statuer. Dans la foulée, le ministère américain de la Justice a confirmé que l’application de la loi serait décalée. «Cette législation vise à couper les liens entre TikTok et le gouvernement de Pékin d’une manière conforme à la Constitution. La phase suivante de cet objectif - appliquer la loi et en garantir le respect après son entrée en vigueur le 19 janvier - est un processus qui s’étalera dans le temps».

Comment pourrait se dérouler l’arrêt de la plateforme ?

Si l’interdiction était maintenue, les utilisateurs ayant déjà téléchargé l’application ne pourraient plus l’ouvrir, et seraient dirigés automatiquement vers un message relatif aux nouvelles dispositions législatives. Ils se verraient proposer de télécharger leurs données et contenus publiés sur la plateforme. Ceux qui n’ont pas encore l’application, ne pourraient pas la télécharger.

Dans un message interne envoyé aux équipes de TikTok, la direction avait affirmé qu’elle «se préparait à plusieurs scénarios». Elle avait également assuré aux salariés américains du groupe que «leur emploi, leur salaire et leurs avantages» auraient été préservés quelle que soit la voie choisie par TikTok.

Quels sont encore les scénarios possibles ?

L’interdiction. Après le sursis gagné ce vendredi 17 janvier par la plateforme chinoise, le gouvernement américain pourrait contraindre les boutiques d’applications mobiles de retirer le réseau social de leur catalogue. La plateforme étant toujours accessible ailleurs qu’aux Etats-Unis, les internautes américains qui souhaitent continuer à y avoir accès, pourraient utiliser un VPN, logiciel qui permet de tromper sites et boutiques d’applications sur sa localisation géographique.

@liberation.fr

📱 Soupçonnée d’espionnage par Washington, l'application TikTok risque de disparaître du territoire américain le 19 janvier si elle ne trouve pas de repreneur. Face à cela, de nombreux créateurs de contenu s’en vont vers le réseau social chinois Xiaohongshu («petit livre rouge»). 🎥 Emanuel Descours Libération ReseauxSociaux

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La revente. Jusqu’ici, ByteDance s’était opposé à l’idée de céder son joyau mais, selon l’agence Bloomberg, le gouvernement chinois serait ouvert à un rachat par Elon Musk, déjà actionnaire majoritaire du réseau social X, et allié de Donald Trump. Mais TikTok avait qualifié lundi 13 janvier ce scénario de «pure fiction». D’autres candidats se sont déclarés, comme l’homme d’affaires Frank McCourt, propriétaire du club de football de l’Olympique de Marseille, qui estime à 20 milliards de dollars la valeur de TikTok US. L’ancien patron de l’éditeur de jeux vidéo Activision Blizzard, Bobby Kotick, serait aussi intéressé.

La migration des utilisateurs. Nombre des créateurs de contenus ont déjà migré vers d’autres plateformes, comme YouTube et Instagram, les premières menaces sur l’avenir de TikTok remontant à près de cinq ans, sous le premier gouvernement Trump. Ces derniers jours, des créateurs ont aussi trouvé refuge sur l’application chinoise Xiaohongshu (Petit Livre rouge), susceptible d’être également visée par les autorités américaines pour les mêmes raisons que TikTok.

Dans quels pays TikTok est-il déjà interdit ?

En Albanie, TikTok doit fermer pendant au moins un an à partir de début 2025. En annonçant la suspension fin 2024, le Premier ministre, Edi Rama, a qualifié l’application de «voyou du quartier». La décision a été prise moins d’un mois après qu’un élève de 14 ans a été tué et un autre blessé lors d’une rixe près d’une école de la capitale Tirana, intervenue après un conflit sur les réseaux sociaux.

En novembre, le Népal a interdit TikTok car son contenu porterait préjudice à «l’harmonie sociale» de la nation, a déclaré le gouvernement. Selon les autorités, les contenus publiés sur le réseau attiseraient la haine religieuse et la violence tout en encourageant les abus sexuels.

En Inde aussi, la plateforme a été bannie, tout comme 200 applications chinoises, après un affrontement meurtrier entre les armées chinoise et indienne dans l’Himalaya en juin 2020. D’après le gouvernement indien, ces applications compromettaient la souveraineté, la sécurité et l’intégrité nationales. TikTok a ainsi perdu son plus grand marché, estimé alors à plus de 120 millions d’utilisateurs actifs par mois.

Même interdiction en Afghanistan en avril 2022, après le retour au pouvoir des Talibans. La Jordanie a suivi quelques mois plus tard, officiellement pour des raisons de sécurité. Le Pakistan a temporairement interdit au moins quatre fois l’application depuis octobre 2020.

Mise à jour : le vendredi 17 janvier, avec la confirmation par la Cour suprême américaine de l’interdiction de TikTok aux Etats-Unis à compter de dimanche 19 janvier, sauf si la maison mère chinoise du réseau social vend ses activités américaines d’ici là ; à 17 h 30 avec le sursis accordé par Biden au réseau social chinois.