Entre se «donner à fond» et partir, ils ont choisi de quitter le navire. Au lendemain de l’ultimatum lancé par Elon Musk, et deux semaines après une première vague de licenciements massive, les départs de salariés de Twitter se multiplient. Le tout nouveau patron de la plateforme, qui a racheté la firme pour 44 milliards de dollars le 27 octobre, semble lui avoir coupé les ailes.
Dans un courrier interne envoyé mercredi, Elon Musk a demandé à ses salariés de s’engager à «travailler de longues heures à haute intensité» afin de «bâtir un Twitter 2.0 révolutionnaire et réussir dans un monde de plus en plus concurrentiel». Mais cet objectif était assorti d’une menace à peine voilée : «Seule une performance exceptionnelle vaudra une note suffisante.»
Interview
Selon les médias américains, des centaines d’employés ont claqué la porte. Ils s’ajoutent à la moitié des 7500 salariés licenciés il y a deux semaines et les quelque 700 autres qui avaient déjà démissionné pendant l’été - avant même que l’acquisition de la firme californienne par le milliardaire ne soit actée.
Les tweets des ex-«Tweep» – surnom des employés de Twitter – ont afflué sur la plateforme. «Je n’ai pas de mots, je suis juste reconnaissante de pouvoir dire que j’ai réussi à avoir le job de mes rêves et à accomplir plus que je n’aurais jamais cru possible. Ça a été une grande aventure», a tweeté Deanna Hines-Glasgow, l’une d’entre eux. Elle avait, comme ses anciens collègues, jusqu’à jeudi après-midi pour se décider – sous peine de devoir quitter l’entreprise avec une indemnité équivalente à trois mois de salaire. La méthode détonne, même pour un pays comme les Etats-Unis où le droit du travail est peu protecteur des salariés.
No words just grateful to say I was able to get my dream job and do more than I ever thought possible. Its been a wild ride🫡💙 #LoveWhereYouWorked
— Deanna Hines-Glasgow (@deeheinz) November 17, 2022
Accolé aux posts des désormais ex-salariés annonçant leur départ, le hashtag #lovewhereyouworked ( «Aime l’endroit où tu as travaillé») semble sonner la fin d’une époque. Et peut-être même le glas du réseau social ? Nombre d’utilisateurs – des ex-collaborateurs, journalistes et analystes notamment – s’interrogent sur ce point. Le hashtag #RIPTwitter a été repris, ce vendredi matin, plus de 700 000 fois.
La question se pose d’autant plus que ces départs pourraient altérer la stabilité de la plateforme. Reuters souligne que, selon une source proche du dossier, la version des salariés de Twitter était ralentie jeudi soir : elle estimait que la version publique de la plateforme risquait de s’arrêter pendant la nuit.
Plutôt que d’afficher son inquiétude, Elon Musk a choisi l’ironie. «Et… nous venons d’atteindre un nouveau pic d’utilisation de Twitter, lol», s’est-il fendu dans un tweet. Réflexion accompagnée d’un mème – image parodique – représentant un homme au visage remplacé par un oiseau bleu, qui pose devant une tombe floquée du même logo, comme si Twitter assistait à ses propres funérailles. Une manière d’illustrer l’expression «mieux vaut en rire qu’en pleurer» ?
— Elon Musk (@elonmusk) November 18, 2022
Autre élément évocateur de la chute de l’oiseau bleu : depuis jeudi après-midi, les portes des bâtiments de l’entreprise basée à San Francisco sont closes, même pour les employés disposant d’un badge. «Les bureaux rouvriront lundi 21 novembre, indique un courrier interne publié par plusieurs médias américains. Merci pour votre flexibilité. Merci de continuer à vous conformer au règlement interne en vous abstenant de discuter d’informations confidentielles sur les réseaux sociaux, avec la presse ou ailleurs».
«En avant vers la faillite»
Ce nouveau coup de pression n’arrange rien à la popularité déjà entamée du milliardaire. Le soir même, des messages anti-Elon Musk ont été projetés sur la façade du siège. «Elon Musk, ferme-la», «Stop au Twitter toxique», «En avant vers la faillite»… rapportent les photos de Gia Vang, journaliste de l’antenne locale de la chaîne américaine NBC.
Au même moment, des dizaines d’employés – actuels et passés – se sont retrouvées dans un «space» (salon audio de la plateforme) pour se soutenir. Des salariés ayant choisi de rester ont évoqué leur attachement indéfectible au réseau social et leur désir de le voir survivre – voire renaître de ses cendres.
«A tous les Tweeps qui ont décidé qu’aujourd’hui serait leur dernier jour : merci d’avoir été des collègues incroyables à travers les hauts et les bas. J’ai hâte de voir ce que vous ferez ensuite», a déclaré Esther Crawford, directrice des produits en développement de Twitter. Elle est l’une des rares responsables n’ayant ni démissionné, ni été congédiée, et qui soutiennent encore publiquement leur dirigeant.