Uber et la rentabilité sont comme deux aimants qui se repoussent. Lorsque le géant américain du VTC s’en approche, elle s’éloigne. Nouvelle démonstration de ce phénomène ce mardi, à l’occasion de la présentation des résultats financiers de l’entreprise. Les premiers depuis la publication des Uber Files, vaste enquête sur le lobbying et les manœuvres employés pour s’implanter en Europe. Malgré un chiffre d’affaires qui s’est établi à 8,1 milliards de dollars entre avril et juin 2022, en hausse par rapport trimestre précédent, l’entreprise fait part d’une perte nette de 2,6 milliards de dollars.
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La direction d’Uber se satisfait tout de même de cette performance économique. Ses revenus trimestriels ont plus que doublé par rapport à l’année dernière. «Nous bénéficions de l’augmentation de la demande pour le transport des gens et des objets ainsi que de la transition d’un modèle de dépenses en magasin vers un modèle de dépenses pour des services», explique son patron Dara Khosrowshahi. Dans le détail, le chiffre d’affaires lié aux trajets en voitures, activité originelle d’Uber, a progressé de 120 %, à 3,6 milliards de dollars. Celui lié aux livraisons de repas dans lequel elle s’est lancée en 2015 avec UberEats est quant à lui monté de 37 %, à 2,7 milliards de dollars.
Pourtant si les annonces de résultats d’Uber se suivent et se ressemblent c’est qu’elles continuent d’être marquées par des pertes faramineuses. 5,9 milliards de dollars au premier trimestre de 2022, pour un chiffre d’affaires de 6,8 milliards. Au total depuis que l’entreprise a commencé à publier ses performances financières au début de l’année 2017, elle a perdu quasiment 30 milliards de dollars.
Investissements massifs
L’année 2021 avait pourtant fait figure d’exception. Au cours de cet exercice post-Covid, Uber a limité les pertes à 496 millions de dollars (contre 6,8 milliards en 2020). Et était même parvenue à conclure l’année en dégageant un bénéfice net de 892 millions de dollars au quatrième trimestre. Une première, ou une anomalie. Sur cette période, l’entreprise n’avait pas investi aussi massivement qu’elle le fait d’habitude.
C’est en effet à sa participation dans un certain nombre d’entreprises à la santé financière chancelante qu’Uber impute ses pertes incommensurables. La liste comprend notamment la plateforme singapourienne de VTC Grab, la start-up américaine de véhicules autonomes Aurora et l’agrégateur indien de restaurants Zomato. Et surtout Didi Chuxing : le géant chinois du VTC, introduit en Bourse à Wall Street en juin 2021, a dû en être retiré six mois plus tard à cause de ses mauvais résultats.
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Pourquoi persister dans ses acquisitions qui perdent de l’argent ? En investissant dans autant d’entreprises concurrentes, la multinationale cherche à améliorer son effet de taille, ou scaling en anglais, une notion propre à l’économie des plateformes. Devenir «scalable» permettrait à Uber de répartir ses coûts fixes sur un nombre plus large de courses dans le monde entier. Et donc à terme d’atteindre la rentabilité. Le business plan de l’entreprise est donc de continuer à multiplier les fusions-acquisitions, quitte à dépenser des sommes toujours plus conséquentes. Une stratégie différente de celle menée il y a quelques années encore. Jusqu’en 2020, Uber a investi massivement dans le développement de la voiture autonome. Des efforts financiers brusquement interrompus car non fructueux. Pourtant, ne plus avoir à faire appel aux quelque 4 millions de chauffeurs qui travaillent pour elle dans des conditions socialement moins-disantes aurait sûrement permis d’atténuer les pertes trimestrielles…