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Libération
Cyber espionnage

Une société chinoise d’informatique accusée d’avoir piraté l’Otan et des gouvernements étrangers

L’entreprise chinoise i-Soon a vu la semaine dernière des données internes être publiées sur Internet. Des analystes américains les ayant passées au crible accusent depuis la société d’avoir infiltré des ministères, des réseaux sociaux ou encore des smartphones.
L'entrée d'un bureau I-Soon à Chengdu, au sud-ouest de la Chine, le mardi 20 février 2024. (Dake Kang/AP)
publié le 22 février 2024 à 17h03

La fuite donnerait un aperçu inédit sur le fonctionnement d’une boîte de pirates. Après la publication massive de ses données dérobées, un prestataire informatique chinois est accusé par des analystes d’avoir infiltré l’Otan, des gouvernements étrangers ainsi que des comptes de réseaux sociaux et des ordinateurs personnels. Des experts de SentinelLabs et Malwarebytes, sociétés américaines de cybersécurité ayant analysé la fuite, affirment que l’entreprise incriminée, i-Soon, a infiltré les systèmes d’une dizaine de gouvernements et d’organisations prodémocratie à Hongkong.

«La fuite fournit certains des détails les plus concrets rendus publics à ce jour» sur l’espionnage supposé de la Chine et révèle sa «maturité», écrit SentinelLabs dans un rapport publié mercredi 21 février.

I-Soon se présente comme une entreprise spécialisée dans la sécurité informatique et a candidaté à des appels d’offres du gouvernement chinois. Ses données ont été déposées le 16 février sur le site de partage GitHub. Elles contiennent des fichiers de conversation, des présentations et des listes de cibles, selon les analystes.

L’auteur de la fuite et ses motivations ne sont pas connus mais I-Soon semble avoir été en mesure d’infiltrer notamment des ministères en Inde, en Thaïlande, au Vietnam, en Corée du Sud ou encore au Royaume-Uni, d’après un autre rapport publié mercredi par Malwarebytes.

50 000 dollars pour pirater le Vietnam

Un document précise les primes pour les pirates informatiques, notamment un versement de 55 000 dollars (50 780 euros) pour s’introduire dans un ministère au Vietnam. «Comme le montre la fuite de documents, les entreprises tierces jouent un rôle important pour faciliter de nombreuses attaques de la Chine dans le domaine cybernétique», estime SentinelLabs. Une autre capture d’écran décrit une demande d’un client pour accéder illégalement aux systèmes informatiques du ministre des Affaires étrangères, du cabinet du Premier ministre, de l’agence nationale de renseignement et d’autres ministères d’un pays non nommé.

Les experts qui ont décortiqué la fuite de données affirment que i-Soon proposait de prendre le contrôle d’un compte sur le réseau social X (ex-Twitter). L’objectif mis en avant par la firme auprès de clients potentiels était de pouvoir surveiller l’activité d’un utilisateur cible et de lire notamment ses messages privés. Dans ces fuites supposées, i-Soon explique également comment ses employés peuvent accéder à l’ordinateur d’une personne, en prendre le contrôle à distance et surveiller ce qu’elle tape.

Toujours selon ces documents, i-Soon propose par ailleurs de pirater les systèmes d’exploitation de téléphone, dont l’iPhone d’Apple, ou d’en extraire illégalement des données via une batterie externe. Selon les fuites, i-Soon a candidaté à des appels d’offres des autorités de la région du Xinjiang (nord-ouest de la Chine) pour y réaliser notamment des opérations de piratage. Après plusieurs attentats meurtriers, les autorités imposent depuis plus d’une décennie dans cette région des mesures draconiennes au nom de l’antiterrorisme.

Le site internet de i-Soon n’était pas accessible jeudi mais des archives en ligne datant de mardi indiquent que l’entreprise est basée à Shanghai et possède des bureaux à Pékin et dans plusieurs provinces de Chine, notamment au Sichuan (sud-ouest). L’entreprise i-Soon ne s’est pas encore exprimée. Le ministère chinois des Affaires étrangères a pour sa part affirmé jeudi lors d’un point presse régulier «ne pas être au courant» de cette affaire. «Par principe, la Chine s’oppose résolument à toute forme de cyberattaques et les combat conformément à la loi», a assuré Mao Ning, une porte-parole du ministère.