L’étendue des dégâts est enfin chiffrée. X (ex-Twitter) a licencié plus de 1 200 employés dans le monde au sein des équipes chargées de lutter contre les contenus abusifs en ligne depuis octobre 2022 – date du rachat de l’entreprise par Elon Musk –, selon le régulateur de l’internet australien. Des «coupes sombres» qui, accompagnées du rétablissement de milliers de comptes interdits, avaient créé «la pire des situations» pour la diffusion de contenus préjudiciables, a estimé le régulateur eSafety.
Le rachat de X coïncidait avec un «pic de toxicité et de haine», avait déjà mentionné eSafety en juin. L’institution peut désormais appuyer son propos, en ayant eu accès, grâce à la loi australienne sur la sécurité en ligne, à une liste détaillée des ingénieurs en logiciels, modérateurs de contenus et autres membres du personnel de sécurité de la plateforme.
Ce sont donc précisément 1 213 spécialistes du personnel de modération, y compris des sous-traitants, qui ont quitté X depuis le rachat par Elon Musk, dont 80 % d’ingénieurs logiciels. Des chiffres pour la première fois rendus publics, a précisé la commissaire du régulateur australien, Julie Inman Grant, elle-même ancienne employée de Twitter.
Des manquements répétés de X
«Retirer 80 % de ces ingénieurs spécialisés, c’est comme si Volvo, réputé pour ses normes de sécurité, se séparait de tous ses concepteurs ou ingénieurs», a expliqué Julie Inman Grant. Une stratégie qui a mené le réseau à la «pire des situations. Vous diminuez considérablement vos défenses et vous introduisez à nouveau des récidivistes sur la plateforme», selon la commissaire.
X s’est déjà fait remarquer pour ses manquements par le passé. La société avait notamment attaqué en justice le Center for Countering Digital Hate en août 2023, après la sortie d’un rapport édifiant par l’organisation sur la modération laxiste de la plateforme. En décembre, c’est la Commission européenne qui ouvrait une «enquête formelle» contre le réseau social d’Elon Musk pour manque de transparence, de modération et interface trompeuse. Commission européenne qui s’était déjà penchée sur le taux de désinformation sur X, notamment dans le cadre de désinformations russes, parmi d’autres…
L’Australie en pointe sur la régulation
Et face à un réseau habitué des mauvais comportements en ligne, un pays habitué à les réguler. L’Australie s’est déjà illustrée en termes de régulation des réseaux sociaux, en obligeant notamment les entreprises technologiques à s’expliquer sur leur manière de s’attaquer à des problèmes tels que les discours haineux et les atteintes sexuelles sur mineurs. La eSafety Commission avait notamment infligé une amende de 610 500 dollars australiens (373 500 euros) à X en octobre.
Le régulateur estimait que la plateforme n’avait pas montré clairement qu’elle luttait contre les contenus pédopornographiques. Le taux de détection par le réseau des contenus précriminels avait chuté à 75 %, contre 90 % précédemment, dans les trois mois qui ont suivi le rachat, selon eSafety. X avait alors ignoré la date limite pour payer l’amende, avant de porter l’affaire devant la cour fédérale d’Australie pour la faire annuler.