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Electricité : une grève prolongée chez EDF «aurait des conséquences lourdes» pour l’hiver

Le gestionnaire du réseau électrique français, RTE, a réactualisé ses prévisions pour les mois hivernaux à venir. Le mouvement social qui a mis les travaux à l’arrêt sur plusieurs réacteurs nucléaires devrait retarder leur redémarrage de «deux à trois semaines»… s’il ne dure pas.
La centrale de Belleville, dans le Cher, fait partie de celles où les travaux sur des réacteurs ont dû être mis à l'arrêt en raison des grèves. (Benoit Tessier/Reuters)
publié le 18 octobre 2022 à 16h44

«Une prolongation du mouvement social aurait des conséquences lourdes sur le cœur de l’hiver» : c’est le signal d’alarme tiré par Réseau Transport Electricité (RTE) à l’occasion d’un point presse, ce mardi, visant à réactualiser ses prévisions pour la résilience du système français cet hiver. Le gestionnaire du réseau électrique français, qui avait présenté mi-septembre ses scénarios plutôt optimistes pour les six mois à venir, anticipe désormais «un très faible risque pour la sécurité d’approvisionnement et un risque modéré pour début novembre». En cause, «l’incertitude» concernant la remise en service des 26 réacteurs sur 56 actuellement mis à l’arrêt par EDF pour des travaux de maintenance ou de réparation des phénomènes de corrosion découverts sur les circuits de refroidissement d’une partie de ses réacteurs.

«Les mouvements sociaux sur le parc nucléaire ont conduit à des prolongations d’arrêt généralement de deux à trois semaines sur les réacteurs dont la remise en service était imminente ou proche. Pour les autres, ils engendrent également des retards dans la maintenance des réacteurs», constate RTE. Le mouvement de grève déclenché la semaine dernière par la Fédération nationale des mines et de l’énergie de la CGT (FNME), dans le sillage du mouvement des raffineries Total pour les salaires, a en effet arrêté net les travaux en cours sur une dizaine de réacteurs : Gravelines, Paluel, Saint-Alban, Le Bugey, Tricastin, Cruas, Saint-Laurent, Dampierre, Cattenom et Belleville. «Ceci conduira à une disponibilité inférieure au scénario central de RTE durant la première partie du mois de novembre a minima», souligne le gestionnaire du réseau électrique.

Le risque de coupures reste «modéré»

Le mouvement lancé par la CGT énergie jette déjà un doute sur l’optimisme du chef de l’Etat concernant le redémarrage des moyens de production nucléaire : «Nous sommes aujourd’hui à 30 réacteurs sur 56 qui fonctionnent, nous allons passer dans les prochaines semaines à environ 40. L’objectif est de passer à 45 en janvier», assurait Emmanuel Macron dans son interview sur France 2 mercredi. «Cet objectif, tout indique que nous le tiendrons», avait-il assuré. Mais qu’entend exactement RTE par «conséquences lourdes» si le mouvement dans les centrales devait se prolonger ? «Deux à trois semaines de retard sur la remise en service des réacteurs actuellement concernés par des arrêts de travail, ça ne présente pas trop de risques pour la sécurité d’approvisionnement électrique fin octobre et jusqu’à début novembre. Mais s’il devait y avoir un décalage d’un mois dans les travaux, cela conduirait à dégrader nos perspectives», répond sans en dire plus le gestionnaire.

Le risque d’une grève prolongée chez EDF n’est pas à écarter, mais ne semble pas le scénario le plus probable, les pouvoirs publics misant sur «l’esprit de responsabilité» de la CGT énergie face à l’hiver qui approche. RTE estime pour sa part, pour le moment, que le risque de coupures reste «modéré» si la météo ne devient pas trop froide en janvier et février. Et si les travaux reprennent sur les réacteurs à l’arrêt, la part du nucléaire dans la production électrique, qui était tombée à moins de 40 % en septembre (contre près de 70 % habituellement), devrait selon lui remonter avec une production de 45 GW début janvier, contre 29 GW actuellement.

Consommation électrique en baisse

Autres raisons d’espérer une amélioration sur le front électrique, «la consommation d’électricité structurelle [corrigée des aléas météorologiques, ndlr] est désormais clairement orientée à la baisse», le mois de septembre ayant déjà vu cette consommation baisser de 3 à 4 % en septembre. Et elle est même en recul de 5 % par rapport à la même période d’avant-Covid, principalement en raison de la hausse des prix de l’électricité, qui a vu l’activité économique ralentir et la consommation industrielle chuter de 9 %. L’impactdu récent déclenchement du plan de sobriété énergétique, présenté le 6 octobre par la Première ministre Elisabeth Borne et qui vise à faire baisser la consommation en électricité des Français de 10 % cet hiver, reste, lui, encore difficile à évaluer à ce stade.

Enfin, RTE souligne que les stocks hydrauliques ont retrouvé «des niveaux de remplissage connus», ce qui permettra de recourir aux centrales hydroélectriques pour faire face aux pointes de consommation. Et se félicite aussi des stocks de gaz remplis à quasiment 100 %, qui permettront de faire fonctionner à plein régime les centrales à gaz émettrices de CO2 mais indispensables dans le contexte actuel. Au bout du compte, RTE maintient son dispositif «vigilance» pour l’hiver et appelle les Français à consulter quotidiennement son outil MonEcoWatt, qui donne «la météo électrique», pour adapter en conséquence leur consommation et leurs «écogestes». La filiale (indépendante) d’EDF et de la Caisse des dépôts réévaluera régulièrement ses prévisions en fonction de la météo climatique et sociale.