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Libération
Coup dur

Elon Musk : le patron de Tesla privé de 56 milliards de dollars par la justice américaine

Un tribunal de l’Etat du Delaware a donné raison, mardi 30 janvier, à un actionnaire qui demandant l’annulation du plan de rémunération accordé en 2018 au puissant patron du constructeur de voitures électriques.
Elon Musk à Cracovie, en Pologne, le 22 janvier 2024. (Sergei Gapon/AFP)
publié le 31 janvier 2024 à 12h37

Même quand on est l’homme le plus riche du monde, ça fait un sacré trou dans la trésorerie. Un tribunal de l’Etat du Delaware, dans l’est des Etats-Unis, a annulé mardi 30 janvier le plan de rémunération accordé en 2018 à Elon Musk, le patron de Tesla. Soit une coquette somme estimée à 56 milliards de dollars (51,7 milliards d’euros). Un actionnaire du constructeur automobile, Richard Tornetta, mécontent de la façon dont avait été élaboré cet accord, avait porté plainte contre le plan et demandait son annulation. L’audience s’était tenue en novembre 2022.

«Le jugement est en faveur du plaignant», a conclu la juge, Kathaleen McCormick, dans sa décision de 200 pages, publiée mardi. «Le plaignant est fondé à avoir une annulation», a-t-elle tranché. Elle précise que les parties doivent désormais «discuter entre elles pour établir une décision finale destinée à mettre en œuvre ce jugement» et «à mettre un terme à cette affaire» au niveau judiciaire.

Le tribunal considère que les actionnaires de Tesla ont reçu des informations «erronées» et «trompeuses» au sujet du conseil d’administration et du comité de rémunération – dont plusieurs membres étaient des proches du milliardaire depuis quinze à vingt ans – en amont de l’assemblée générale au cours de laquelle le plan a été approuvé. Selon le plaignant, l’homme d’affaires a dicté ses termes aux administrateurs qui, au vu de leurs relations avec lui ou de leurs intérêts personnels, n’étaient pas suffisamment indépendants pour s’y opposer.

De plus Musk ne travaillait alors pas à temps plein pour Tesla puisqu’il était aussi à la tête de la société spatiale SpaceX, de Neuralink et de The Boring Company.

304 millions d’actions Tesla au prix prédéfini de 23,34 dollars

Celui que Kathaleen McCormick surnomme le «Superstar CEO» («patron superstar») détenait à l’époque 21,9 % du capital de Tesla. Lors de son attribution, en 2018, ce plan prévoyait de remettre à Elon Musk, par douze tranches, environ 304 millions d’actions Tesla au prix prédéfini de 23,34 dollars par action. Cela à la condition que l’entreprise atteigne douze objectifs en matière de revenus, de bénéfices et de cours de l’action.

A l’époque, vu la santé économique de l’entreprise, personne ne pensait que ces paliers étaient atteignables et, lors de son vote, la valeur du plan de rémunération était de 2,6 milliards de dollars. Lors du procès, Elon Musk s’était défendu en arguant que «la probabilité de survie [de Tesla] était extrêmement basse» en 2018, assurant que le constructeur automobile était tout près de la faillite – ce qui est vrai. Mais depuis, Tesla a réalisé un miracle économique et a été, en 2022, le constructeur automobile le mieux valorisé en Bourse : une action Tesla vaut désormais 190 dollars, soit une progression de 714 % par rapport à 2018.

Le cabinet d’avocats représentant le plaignant principal, Richard Tornetta, et d’autres actionnaires, s’est réjoui d’avoir remporté une affaire «emblématique» en matière de rémunération. La juge «a déterminé que le conseil d’administration de Tesla avait failli à son devoir fiduciaire en structurant la rémunération par tranches d’[Elon] Musk et, par conséquent, elle a ordonné que le package dans son ensemble soit annulé», a relevé le cabinet Bernstein, Litowitz, Berger & Grossman. «Nous sommes extrêmement reconnaissants de la décision minutieuse et extrêmement bien raisonnée du tribunal de renverser le plan de rémunération ridiculement surdimensionné de Tesla», a commenté Greg Varallo, l’un des avocats principaux des plaignants, cité dans la déclaration du cabinet. Cela se fera «au profit des investisseurs de Tesla, qui vont voir la dilution générée par ce gargantuesque plan être effacée», a-t-il poursuivi.

Elon Musk avait assuré ne pas avoir participé à l’élaboration du plan, même si des documents montrés en audience ont suggéré qu’il en avait parlé avec des membres du conseil d’administration et avec des cadres. Après l’annonce de la décision du tribunal, le milliardaire a publié un message amer sur X (ex-Twitter), critiquant la politique du Delaware, pourtant paradis fiscal américain, vis-à-vis des entreprises.