Sauver la Société aveyronnaise de métallurgie (SAM) : ça devait être une belle «victoire», selon la confédération CGT qui s’était empressée de publier un communiqué en mai dernier. L’aboutissement d’une lutte marquée par 23 jours de grève et d’occupation au printemps 2020, avec le soutien massif de la population du bassin de Viviez-Decazeville. Toujours en attente du plan d’investissements – 18,5 millions d’euros – que son repreneur, le géant chinois de l’aluminium, Jinjiang, avait promis d’injecter sur le site, en 2017, cette fonderie de 350 salariés est dans l’incertitude depuis l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, fin 2019. Ce vendredi, le tribunal de commerce de Toulouse devait examiner deux propositions de reprises. Mais la SAM attendra encore un peu. L’audience a été – une nouvelle fois – reportée au 17 septembre. Et les chances de reprise, en l’état, s’amenuisent.
La veille, la ministre déléguée à l’industrie, Agnès Pannier-Runacher avait commencé à esquisser la mauvaise nouvelle. Les deux repreneurs potentiels, Sifa Technologies, filiale du groupe Alty, et le groupe Trinquier, deux fonderies spécialistes de l’aluminium, «ne sont pas suffisamment solides et ne répondent pas aux critères de crédibilité et de pérennité», a-t-elle déclaré en sortant d’une réunion exceptionnelle à Rodez. «Moi je ne sais plus ce qui est crédible ou pas», réagit Patrick Bellity, le PDG de Sifa, un peu amer. L’homme connaît bien l’usine SAM. Jusqu’en 2016, il en était le patron. En mai 2021, il avait déposé une offre de reprise garantissant la sauvegarde de l’essentiel des emplois. Mais celle-ci, tout comme celle du groupe Trinquier, a été jugée trop fragile par le cabinet Grant Thornton, mandaté par l’Etat et les administrateurs judiciaires, qui a rendu début juillet son audit. Plus que de projet industriel, c’est une question de chiffres. Les deux candidats en lice apportaient au maximum un million de fonds propres, quand l’audit estime qu’il en faudrait six ou sept, et alors que l’entreprise perd actuellement le même montant chaque mois. Pas assez pour que l’Etat débloque un prêt afin de rendre viable un projet de reprise.
A lire aussi
D’ici septembre, la SAM devrait logiquement être placée en «liquidation judiciaire avec poursuite de l’activité» pour trois à six mois. Renault, principal client du site, s’est déjà engagé à fournir un million de chiffre d’affaires jusqu’au printemps 2022. Un délai pour ajuster les offres, chercher d’autres repreneurs, s’ils existent. «Sans l’engagement de Renault, il y aurait bien longtemps qu’on aurait été liquidé», constate Ghislaine Gistau, secrétaire CGT de la SAM, peu surprise des dernières annonces. «Au printemps, on a pris les devants en demandant à Renault de s’engager par écrit à soutenir le site de manière à sauver un minimum de 250 salariés et les services supports», rappelle-t-elle. Plus qu’une fermeture, les salariés craignent que le site ne devienne un sous-traitant simple exécutant. C’était peu ou prou la proposition de CIE Automotive, la multinationale espagnole, présentée au printemps 2020 comme ultime recours. Cette dernière ne voulait conserver que 150 emplois et ne donnait aucune garantie sur le bureau d’études. Refus catégorique des salariés qui, après avoir bataillé pendant un an, ont obtenu en juin 2021 le retrait de l’offre de CIE Automotive. Car ils le disent, la SAM, c’est plus qu’une simple fonderie. Il y a quelques années, le site était même cité en exemple pour avoir anticipé le virage de la voiture électrique. Désormais, l’usine attend d’avoir les moyens de tourner pour poursuivre sa transition vers «l’industrie du futur».
A lire aussi