En résumé
- En marge de la crise sociale causée par la réforme des retraites, et des violents affrontements contre la mégabassine de Sainte-Soline samedi dernier, Emmanuel Macron est arrivé vers midi à Savines-le-Lac (Hautes-Alpes) pour prononcer son discours dans le décor du lac de Serre-Ponçon, plus grand réservoir d’eau douce d’Europe de l’Ouest, très affecté par la sécheresse.
- Le chef de l’exécutif a dévoilé une cinquantaine de mesures supposées améliorer la gestion de l’eau. Attendues depuis deux mois, elles sont censées permettre de faire face à la sécheresse chronique. En faisant «mieux avec moins».
- Sur place des manifestants l’attendaient pour continuer à dire leur opposition à la réforme des retraites. Ce soir, des rassemblements ont eu lieu en soutien aux Soulèvements de la terre menacés de dissolution et contre les violences policières. L’un des deux militants dans le coma après les affrontements à Sainte-Soline s’est réveillé.
«Dissoudre nos mouvements et interdire nos rassemblements ne nous decouragera pas !». Sur la place de l’Hôtel de Ville à Paris, quelques milliers de personnes se sont rassemblées ce jeudi à l’appel des Soulèvements de la Terre, pour dénoncer les violences policières survenues pendant la manifestation de Sainte-Soline, samedi. A la tribune se succèdent des membres du collectif écologiste, ils disent leur «colère», «la brutalité bête et absurde» visant un mouvement «dédié à la protection de notre bien commun, l’eau.» A plein poumons, un activiste martèle : «Le gouvernement crée une strategie de peur, pour nous faire croire que c’est le chaos, alors que c’est eux le chaos.»
L’un des militants blessé à Sainte-Soline est sorti du coma. Lors du rassemblement en soutien aux Soulèvments de la Terre devant l’Hotel de Ville à Paris, Benoît, un des porte-parole du mouvement a donné des nouvelles des deux blessés. «Pour l’instant, il y a encore une personne qui est entre la vie et la mort. Serge est dans le coma suite à une blessure de grenade GM2L à la tête. Il y a une deuxième personne qui était encore dans le coma jusqu’à aujourd’hui et dont je suis ému de dire qu’elle vient de se réveiller de son coma. Elle était blessée par un tir de LBD à la trachée et elle s’est réveillée aujourd’hui de son coma. On est là pour lui aussi et pour espérer qu’il ne reste pas avec des séquelles dramatiques après des jours passés dans le coma», a-t-il dit devant la foule.
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Début des manifestations de soutien aux Soulèvements de la Terre devant les préfectures. Dans toute la France, devant les préfectures des rassemblements ont lieu en soutien aux Soulèvement de la Terre, ce mouvement que Gérald Darmanin a engagé la procédure de dissolution suite aux heurts autour de la méga-bassine de Sainte-Soline, samedi dernier. Dans un télégramme, le ministre de l’Intérieur demande des «mesures de protection des préfectures face aux menaces formulées par les groupuscules d’ultragauche». Gérald Darmanin appelle les préfets à prendre «le cas échéant des mesures d’interdiction des manifestations susceptibles de troubler gravement l’ordre public et d’atteinte aux préfectures, symboles majeurs de l’Etat dans les territoires». Il leur demande également «tout élément» semblant justifier «la dissolution de ces groupuscules aux visées insurrectionnelles».
Ce qu’il faut retenir des annonces d’Emmanuel Macron. Sobriété, tarification, fuites… Retrouvez les principales mesures du dispositif gouvernemental pour améliorer la gestion de l’eau en France et tenter de faire face à une sécheresse chronique. Notre article.
Annonce de 500 millions pour les agences de l’eau : le SNE-FSU attend de voir. Le chef de l’Etat a annoncé 500 millions d’euros de plus par an pour les budgets des agences de l’eau. De quoi soulever une once de scepticisme : «C’est facile d’aligner les millions. Mais à ce jour, on ne sait pas comment cet argent sera obtenu par les agences de l’eau», souligne avec ferveur un représentant du SNE-FSU. S’agira-t-il d’augmenter les redevances ? Ou cet argent proviendra-t-il directement du budget de l’Etat ? Et de quels moyens humains bénéficieront les agences de l’eau qui n’ont de cesse de dénoncer leurs baisses d’effectifs – environ 350 personnes de moins en dix ans (2011-2021) ? «Jusqu’ici on avait un budget contraint car l’Etat voulait montrer qu’il n’augmente pas les prélèvements sur les ménages et donc les redevances. On attend de voir ce qu’il va en être.» Par Aurore Coulaud.
Qu’est-ce que la tarification progressive de l’eau, que Macron veut voir généralisée ? Déjà utilisé dans une dizaine de communes en France, ce levier encourage la sobriété et pénalise les gaspilleurs. Pour le rendre équitable, la ville pionnière de Dunkerque l’a ajusté aux besoins des familles nombreuses. Notre décryptage.
«Guerre» écolo ? Les Soulèvements de la Terre répliquent à Macron. L’organisation écologiste, que Gérald Darmanin souhaite dissoudre, s’offusque des propos d’Emmanuel Macron. En amont de son discours sur l’eau, le chef de l’Etat a jugé que «des milliers étaient venus pour faire la guerre» ce week-end à Sainte-Soline. «Ceux qui font la guerre sont ceux qui utilisent des armes de guerre. La seule guerre qui existe, c’est celle qu’Emmanuel Macron fait à sa population : avec la réforme des retraites injuste, en lui volant l’eau, à coups de LBD ou de grenades», a tweeté l’organisation.
500 millions de plus par an pour les agences de l’eau. L’enveloppe présidentielle était attendue par les acteurs de l’eau pour accompagner les mesures. «Nous avons décidé, chaque année, d’augmenter de 500 millions d’euros supplémentaires le budget de nos agences de l’eau», a annoncé le chef de l’Etat. Ces dernières sont financées par des redevances payées par les usagers de l’eau (collectivités, particuliers, associations, agriculteurs et entreprises). «C’est l’effort dont on a besoin pour déclencher au total environ six milliards de plus dans l’économie de l’eau chaque année.» Quid des recettes ? Silence radio.
Macron veut protéger la qualité de l’eau. «L’eau est indispensable à notre souveraineté alimentaire, a insisté Emmanuel Macron. On aura plus de surface irriguée dans les prochaines années […], plus d’irrigation avec la même quantité d’eau.» Ce qui suppose, selon le Président, «innovation, partage et meilleure organisation». En parallèle, il a annoncé «100 millions d’euros par an pour financer les pratiques vertueuses et protéger la qualité de l’eau».
Réutiliser 10 % des eaux usées d’ici à 2030. La meilleure économie d’eau, c’est l’eau qu’on ne perd plus. Donc, en plus des mesures de sobriété, le gouvernement veut développer les sources alternatives au réseau d’eau potable. Et parmi elles : la réutilisation des eaux usées de stations d’épuration (une partie – une fois traitée – peut être prélevée pour l’irrigation des cultures, le lavage des voiries ou encore l’alimentation des citernes des pompiers). Dans ce domaine, la France est à la traîne. «Aujourd’hui, seulement 1 % des eaux usées dans le pays sont traitées et réutilisées», a déploré Emmanuel Macron. Son «ambition, raisonnable compte tenu de ce que les autres pays savent faire», est «d’atteindre les 10 % d’ici à 2030». Cela permettrait de réinjecter «300 millions de mètres cubes d’eau, soit 300 piscines olympiques», a estimé le chef de l’Etat. Pour cela, il a annoncé le lancement de «mille projets en cinq ans pour recycler et réutiliser les eaux usées».
Macron annonce un plan d’investissement pour adapter les centrales nucléaires au changement climatique. «Aujourd’hui, nos centrales utilisent l’eau et les rejettent, [ce qui] a un effet sur la température [des rivières et donc] joue sur leur niveau», a reconnu le chef de l’Etat. Il faut donc qu’elles puissent «passer en circuit fermé» grâce à un nouveau programme d’investissement. Le Président a rappelé que 12 % de l’eau consommée en France l’était actuellement par les centrales nucléaires.
Objectif : 10 % de consommation d’eau en moins en 2030. L’exécutif s’est fixé pour objectif global une baisse de 10 % des prélèvements humains de l’eau d’ici à 2030. Et ce «dans tous les secteurs», a souligné Emmanuel Macron, pour tous les usages (domestiques, agricoles, industriels). «Ce plan eau est avant tout un plan de sobriété dans la durée, pour intégrer totalement dans la planification écologique l’enjeux du changement climatique», a vanté le chef de l’Etat. Cela reste tout de même une moindre ambition que celle fixée en 2019 à l’occasion des Assises de l’eau, qui visait 10 % de baisse de la consommation dès 2025. Par Aurore Coulaud
Macron veut conditionner les futures mégabassines à des économies d’eau et de pesticides. Sans citer directement la mobilisation contre le chantier de mégabassine à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, Emmanuel Macron donne un gage aux opposants à ces grands projets qui dénoncent une «privatisation de l’eau» au profit d’une poignée d’exploitations en agriculture intensive. «La règle, c’est bien le partage» de l’eau, a-t-il estimé.
Vers une tarification progressive de l’eau. Martelant que «l’eau est un bien commun», Emmanuel Macron a souligné sa volonté de «garantir aux Français une eau accessible pour tous pour les usages domestiques du quotidien, boire, se laver». Le président de la République a ensuite annoncé que la «tarification progressive et responsable sera généralisée à toute la France». Avant de détailler : «Au-delà d’un certain niveau, quand cela relève d’un certain confort, le mètre cube sera plus cher.» Les propriétaires de piscines sont prévenus. Cette mesure, «permettra d’assurer une incitation à la sobriété dont nous avons tous besoin», s’est félicité Emmanuel Macron.
Fuite d’eau : l’analyse express de Libé. D’après le dernier rapport de l’Office français de la biodiversité (OFB), les fuites des réseaux d’eau potable sont de l’ordre de 20 % en France : pour cinq litres d’eau mis en distribution, un litre d’eau revient au milieu naturel sans parvenir au consommateur. Les pertes par fuites représentent ainsi près d’un milliard de m3. Elles sont souvent dues à la vétusté des canalisations ou à une pression trop élevée, mais aussi aux mouvements des sols. Faute de moyens suffisants, les communes de moins de 1 000 habitants accusent le plus fort taux de non-conformité des réseaux d’eau (24 % contre 7 % pour les villes de plus de 10 000 habitants). Par Aurore Coulaud
Lutte contre fuites : des efforts seront également déployés sur les fuites dans les canalisations. «On va mobiliser la banque des territoires et la caisse des dépôts, car ces fuites sont le fruit de sous-investissements historiques, a souligné le président Macron. Pendant très longtemps on n’a pas investi et on n’a pas vraiment payé le prix de l’eau. On doit progressivement moderniser nos réseaux avec des compteurs intelligents, et je souhaite que nous travaillions avec les collectivités en commençant par les plus gros usagers de l’eau.» Les outre-mer, qui ont un besoin accru d’investir dans les réseaux, bénéficieront de 35 millions d’euros supplémentaires.
Macron annonce un plan de sobriété sur l’eau «d’ici à l’été pour chaque secteur». Le chef de l’Etat a annoncé un plan de sobriété sur l’eau «d’ici à l’été pour chaque secteur» (énergies, industries, loisirs, agriculture…) «Les collectivités seront mobilisées et les bâtiments seront équipés d’équipements hydro-économes et de récupération des eaux de pluie. Il faut faire évoluer les règles.» Mais, malgré le plan qu’il est venu présenter devant les acteurs locaux, Emmanuel Macron n’a pas exclu la possibilité «de nouvelles situations» de «grand stress hydrique». Le chef de l’Etat compte débloquer «180 millions d’euros» en faveur des «territoires les plus vulnérables», et notamment les «170 points noirs où les fuites d’eau sont les plus importantes», c’est-à-dire «les communes qui perdent plus de 50 % de l’eau». Le président de la République entend utiliser cette enveloppe financière pour «travailler avec les maires afin de faire le maximum de travaux avant l’été».
«La sécheresse est exceptionnelle, mais elle ne sera pas exceptionnelle par rapport à ce qu’on va connaître», alerte Macron. Baisse du débit des rivières, du niveau des nappes phréatiques, assèchement des sols… Le Président a listé les conséquences de la sécheresse. Aucun rapport du Giec ne permet de penser «que la situation va s’améliorer», a-t-il fait valoir. On est loin de son «qui aurait pu prédire» la crise climatique, une formule qui avait ponctué son allocution de Nouvel-An.
Un modèle français de gestion de l’eau à repenser. Comme à son habitude, Emmanuel Macron s’est d’abord inscrit dans une perspective historique en ouvrant son discours : «la littérature française, Pagnol comme Giono», ne parlaient déjà «que de bataille de l’eau dans cette belle région» du Sud-Est, a-t-il rappelé. Avant de louer la grandeur française pour la «force de la politique de gestion de l’eau créée dans les années 60» : «Parfois on oublie ce qu’on a su faire dans le passé.» Mais les temps ont changé. Ce modèle était «adapté pour faire face à tous les défis de gestion de l’eau qui se posaient», a souligné le Président. Mais son but était avant de «se battre contre la pollution et pour la qualité de l’eau, mais on avait moins de pression sur la quantité». Un nouveau «défi» se pose désormais, face à la «baisse de la ressource en eau, sous l’effet du dérèglement climatique», a affirmé Emmanuel Macron.
Chaque geste compte, insiste Macron. Après avoir dressé un tableau très noir sur le plan de la sécheresse, le chef de l’Etat a annoncé la création d’un nouvel outil permettant de «responsabiliser» les usagers de l’eau. «On doit préparer l’été prochain […] Des premiers arrêtes ont été pris : une quinzaine de départements sont déjà placés en vigilance. Une dizaine est d’ores et déjà en alerte renforcée dans certaines zones […] Nous allons mettre en place d’ici début mai, un «Ecowatt de l’eau» comme pour l’énergie qui va permettre de responsabiliser chacun. Chaque geste compte.»